Proposition de loi relative à la fin de vie
Déposée le 11 mars 2025, la proposition de loi relative à la fin de vie entend esquisser un "droit à la mort" en complément des soins palliatifs. Thomas Cassuto analyse les dispositions clés de ce projet : définition de l'aide à mourir comme acte autorisé, conditions d'accès, clause de conscience... Un indispensable décryptage juridique des enjeux soulevés par ce texte.

Le 11 mars 2025, a été déposée la proposition de loi relative à la fin de vie par le député Olivier FALORNI ( Proposition de loi, n° 1100 - 17e législature - Assemblée nationale ). Cette proposition constitue le deuxième volet du projet de loi présenté par le gouvernement en avril 2024 et dont l’examen avait été interrompu par la dissolution de juin 2024. Cette proposition de loi vise à compléter la proposition de loi présentée également le 11 mars 2025 relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (notre article du 10 avril 2025).

1. Ce texte se donne pour ambition de renforcer ce qui est considéré comme le droit de ne pas souffrir et le droit de ne pas subir par le renforcement et le développement massif des soins palliatifs et, face à « certaines souffrances réfractaires ou insupportables » de proposer comme ultime recours, « une aide à mourir pour des malades condamnés par la maladie mais qui ne veulent pas être condamnés à l’agonie ». Ce projet entend implicitement énoncer l’esquisse un droit à la mort.

Il définit l’aide à mourir, qui devient un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122-4 du code pénal. Il prévoit la modification de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique complété par l’énoncé « Ce droit comprend la possibilité d’accéder à l’aide à mourir » dans les deux hypothèses suivantes : être atteint d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ou présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement.

Ce texte définit la procédure d’engagement de l’aide à mourir en réservant la possibilité, pour tout médecin d’exercer sa clause de conscience.

2. La proposition de loi relative à la fin de vie doit être lue à la lumière de l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) publié le 13 septembre 2022 et de l’avis de l’Académie de médecine adopté en séance plénière le 27 juin 2023.

- L’avis 139 du CCNE évoque les enjeux éthiques de « l’assistance au suicide », des conditions qui devraient la précéder, notamment en ce qui concerne le bien-fondé de la démarche. Cet avis révèle en creux les enjeux majeurs dans l’évolution de la pratique médicale et du rapport entre le médecin et son patient.

Cet avis est complété de recommandations qui insistent sur la nécessité préalable de renforcer l’offre de soins palliatifs et par les réserves émises par 8 de ses membres notamment sous la forme d’une série de questions, en particulier la suivante « quel message enverrait aujourd’hui une évolution législative au personnel soignant? Dans le contexte de crise sanitaire majeure que nous connaissons et d’une crise de la vocation soignante et médicale, alors même que les personnels de santé témoignent d’une souffrance éthique inédite, il nous semble inapproprié de sembler prioriser cette évolution législative par rapport à l’urgence que requiert la situation alarmante de notre système de santé. En outre, pour de nombreux soignants, l’assistance au suicide et l’euthanasie correspondent à des actes contraires à la vocation et au sens du devoir médical et du soin, contradictoires avec le serment d’Hippocrate. La mise en place d’une aide active à mourir risquerait de représenter pour eux une abdication signifiant l’incapacité collective à prendre réellement en charge la fin de vie ».

Pour sa part, l’avis de l’Académie de médecine de juin 2023, émet différentes recommandations ayant relevé, notamment, l’importance et l’intérêt des dispositions législatives en place portant sur la fin de vie à court terme, socle d’une avancée humaine, qui sont à conserver précieusement et à confirmer tant elles sont essentielles. Cet avis alerte également sur le décalage, jugé inacceptable, entre les droits ouverts par ces textes législatifs en vigueur, et leur application hétérogène sur les territoires, en particulier par l’insuffisance de l’offre d’accès aux soins palliatifs. 

L’Académie de médecine reconnaît l’importance de répondre aux situations qualifiées de supplice non soulagé d’une vie sans espoir, en aménageant de manière encadrée le dispositif actuel par l’ouverture de droits nouveaux pour aider à mourir le moins mal possible, en acceptant à titre exceptionnel l’assistance au suicide, sous conditions impératives. Elle estime qu’il y a lieu d’écarter l’euthanasie au regard de sa forte portée morale et symbolique, mais aussi du fait que les professionnels et membres des associations de l’accompagnement en fin de vie s’y opposent et redoutent cette pratique.

Pour éclairer le débat, il y a lieu encore de rappeler que si la Cour européenne de droits de l’homme a développé une jurisprudence sur le droit à la vie tel que défini par l’article 2 de la Convention, elle s’est refusée à reconnaître le principe d’un droit à la mort (Pretty c. R-U 29 avril 2002 et affaire Vincent Lambert, Grande chambre, 5 juin 2015), ni sur le fondement du droit au respect de la vie privée énoncé à l’article 8 (Hass c. Suisse 20 janvier 2011, Daniel Karsai c. Hongrie 13 juin 2024 req. n°32.312/23, DÁNIEL KARSAI v. HUNGARY  qui contient une synthèse de la jurisprudence de la Cour sur cette question).