La grève déclenchée par les contrôleurs aériens le jour même du début des vacances scolaires est incontestablement une prise d’otage en bonne et due forme. Elle prend des allures de braquage tant les motifs qui la justifiaient étaient illisibles. En effet, si les conditions de travail sont dégradées et le matériel obsolète, fallait-il attendre le 3 juillet 2025 pour débuter les arrêts de travail. Plus, s’agissant d’une profession en situation d’autogestion dans l’organisation du travail, la dénonciation d’un management toxique traduisant une forme de névrose professionnelle: faire souffrir pour exprimer sa souffrance. Mais, si les contrôleurs refusent d’être contrôlés, ils l’expriment en refusant de contrôler. Logique.
Pourtant, à tout mal, il peut y avoir du bon. Cette grève, insupportable pour ceux qui doivent voyager, rejoindre leur lieu de vacances bien méritées, devrait être soutenue. Elle devrait même être durablement suivie voire encouragée. Car, la grève des contrôleurs aériens est synonyme de développement durable et de rigueur budgétaire.
Les écologiques doivent sans hésitation soutenir la grève et même exiger qu’elle se durcisse. L’annulation des vols entraîne une baisse du trafic aérien, c’est-à-dire moins d’émission de CO2. Nous savons depuis le 11 septembre 2001 et la crise du COVID-19 qu’un arrêt brutal du trafic aérien entraîne une baisse immédiate des températures moyennes. Une grève de 3 mois aurait un impact sensible. A l’heure où les experts estiment que la France a quitté la trajectoire pour atteinte ses objectifs en matière d’émission de gaz à effet de serre (GES) ou de consommation d’énergie fossile, c’est l’occasion de rattraper voir de dépasser nos objectifs.
Les partisans d’une politique budgétaire rigoureuse doivent se réjouir. La grève des contrôleurs entraîne une baisse des rémunérations, autrement dit des économies. La durabilité de la grève conduira à réduire le trafic aérien au-dessus du territoire national. Au nom du salut national, nul doute que les contrôleurs aériens auront la décence de ne pas revendiquer le paiement des jours de grèves. La défense de l’intérêt général commande de renoncer à des compensations mesquines.
On pourrait ajouter que les pro-européens y verront l’occasion de renforcer l’intégration du transport et le contrôle aérien permettant de réduire le nombre de contrôleurs nécessaires. Ils trouveraient également une opportunité de mutualiser et ainsi de rationaliser le contrôle aérien en Europe. Les grévistes pourraient être les hérauts d’une politique forte de réduction des effectifs, stimulée par le déploiement de l’intelligence artificielle qui ne dort pas, ne mange ni ne boit, et surtout ne fait pas la grève. L’occasion d’amener le contrôle aérien européen à un niveau d’efficience plus satisfaisant et se rapprochant de la situation aux États-Unis. À coup sûr, avec le consentement des 26 autres États membres, le contrôle aérien de l’hexagone pourrait être reporté sur la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Italie, Malte et l’Espagne. Fini la grève des contrôleurs aériens français.
Les cheminots, bien plus nombreux que les contrôleurs aériens doivent également se réjouir. L’annulation du trafic aérien entraîne mécaniquement un report d’activité sur le réseau ferroviaire. Il légitime le développement et la modernisation de ce réseau et permet d’entrevoir des investissements et des recrutements pour répondre à la demande. La grève des contrôleurs aériens induit un effet d’aubaine alors qu’une récente étude révèle que, paradoxalement, le billet d’avion est trop souvent moins cher que le billet de train.
L’industrie du tourisme pourrait exiger que les contrôleurs aériens soit soumis à une règle légale limitant le droit de grève à 50 %. Ainsi, les avions pourraient atterrir mais ne pourraient pas décoller. Les touristes sur le départ seraient contraints de rester sur le territoire national, d’occuper le parc d’hébergement et de consommer. L’impact sur la croissance serait immédiat.
Les activistes des droits de l’Homme ne peuvent que se réjouir. En soutenant la grève, la collectivité nationale se prémunirait d’une condamnation pour inaction climatique par la Cour européenne des droits de l’Homme.
Les partisans de la lutte contre l’évasion fiscale se réjouiront également en observant que l’impact sur les finances publiques des exonérations de taxes sur les hydrocarbures et de TVA sur les billets d’avion serait drastiquement réduite. Le report sur les autres moyens de transport ne pourrait qu’avoir une incidence positive sur les recettes fiscales. Par ces temps où la rigueur budgétaire devrait être la boussole de toute politique publique, les contrôleurs aériens pourraient être loués pour montrer la voie. Avec un petit effort, ils pourraient proposer leur reclassement professionnel en matière de contrôle fluvial, ferroviaire ou, rêvons un peu, fluidifier le trafic routier parisien. Dans ce dernier cas, on se convaincra aisément qu’au pire, la grève de ces grands professionnels responsables ne changerait rien.
L’émancipation de 68 millions de concitoyens (et plus encore) du joug de 3.400 ravisseurs/contrôleurs aériens pourraient trouver encore mille justifications satisfaisantes. Mais, il n’était point nécessaire de susciter un énième syndrome de Fort Alamo qui, au début de l’été, ne risquait pas de se transformer en syndrome de Stockholm.
Enfin, à l’heure où les instances internationales, les agences de notation et la Cour des comptes stigmatisent l’incapacité de la France à se réformer structurellement, il y a ici matière à amorcer un cercle vertueux. La dissolution du contrôle aérien national permettrait de mettre un terme à une souffrance professionnelle si souvent exprimée et mal comprise, de supprimer un des nombreux corps d’agents de l’État avec leurs spécificités statutaires, d’inscrire une économie importante sur le temps long en termes de rémunération, de retraite et de coûts de structure. Le tout au bénéfice du développement durable.
Il reste à espérer que cette grève fera des émules chez les gérants d’usines à gaz.
Contrôleurs du monde entier unissez-vous ! L’annonce d’une nouvelle grève le 18 septembre 2025 est un signal fort pour la planète.
Allez, encore un petit effort. Encore six mois de grève et tout ira mieux...
Avertissement : Cet article a pour unique but de susciter la réflexion par l'humour et ne doit pas être interprété au premier degré. Le droit de grève est un droit consacré par la Constitution de 1946, réaffirmé dans le préambule de la Constitution de 1958 et confirmée par le Conseil constitutionnel en 1971.