Tantôt l'avantage à l'un. Tantôt l'avantage à l'autre. Entre l'Orient et l'Occident, l'Histoire est un éternel balancement entre le leadership de l'un et le désenchantement de l'autre (et réciproquement). Nous voici aujourd'hui dans le temps de l'Asie. La Chine surtout, envahit l'espace des tribunes, des écrans et des marchés. Evitons tout à la fois l'idolâtrie et le dénigrement. Mieux vaut connaître ses points forts. Et préparer le prochain retour du balancier.
La carte des puissances dans le monde n'est pas figée. Elle est en continuelle transformation. En s'affranchissant peu à peu de la vision eurocentriste de l'histoire économique, les Occidentaux prennent aujourd'hui conscience de deux réalités qui se rapportent à la Chine.
Il n'a pas fallu attendre l'invention d'internet et de l'avion à réaction pour comprendre que la planète Terre était aussi petite que ronde.
La mondialisation a commencé avec l'histoire du monde. De Fernand Braudel à Immanuel Wallerstein , tous les théoriciens des « économies-mondes » décrivent l'histoire économique comme un jeu d'influences et de compétitions entre des cités-phares reliées par des diasporas de commerçants « longue distance » ayant jeté leurs filets entre l'Orient et l'Occident. Venise, Anvers, Amsterdam, Londres, New-York, Tokyo, Canton, Shanghai : l'ascension ou le déclin de ces « économies-mondes » conditionne le destin des Etats ou des Empires qui les abritent. Et c'est ce jeu perpétuel d'aller-retour - commerce, technologie - entre l'Orient et l'Occident qui structure l'économie mondiale depuis des millénaires. Au milieu du XVIIIème siècle, au moment où Adam Smith écrivait « la Richesse des Nations », on estimait que « l'économie-monde » dominante de l'Occident - les Pays-Bas avec Amsterdam - était moins performante que celle du delta de la rivière des Perles, en Asie du sud. Or cette région est aujourd'hui au cœur de la croissance chinoise : elle abrite des villes qui s'appellent entre autres Canton (Guangzhou), Shenzhen et HongKong ... La grande parenthèse de la puissance économique réelle de la Chine aura donc finalement été assez brève. Elle ne remonte pas à la Renaissance, mais tout au plus au milieu du XIXème siècle pour se refermer cent ans plus tard.
A l'heure où le monde entre dans une nouvelle phase de développement industriel et scientifique - croissance verte, économie numérique, révolution de la santé - il est impossible d'ignorer que la Chine a été le moteur mondial de l'innovation depuis le néolithique.
Le sinologue britannique - et historien des sciences - Joseph Needham et son équipe y ont consacré 24 volumes ! La charrue, le harnais de trait, la manivelle, la brouette (qui a mis 13 siècles à arriver en Europe), la porcelaine, le papier, le gouvernail, la poudre... autant d'inventions qui témoignent d'une culture favorable à l'intelligence pratique (réponses concrètes aux dilemmes de la vie sur terre ; croisement d'expériences favorisant l'éclosion de solutions innovantes). L'Occident a attendu le Moyen Age pour relever le défi de la technologie mise au service de l'agriculture, des transports, de la santé ou de la guerre. Quelques siècles plus tard, il réussira à conquérir un double leadership dans les sciences et dans la technologie. Voici revenu le temps du duel des intelligences entre zone Atlantique et zone Pacifique. Les deux coalitions sont déjà presque à égalité. L'issue du rapport de force reste ouverte. L'Europe et l'Amérique ne partent pas battues dans la compétition qui s'annonce. L'idolâtrie du modèle chinois en 2010 est aussi déplacée que celle du modèle japonais en 1980. Il n'empêche. Si les Occidentaux ne veulent pas subir l'humiliation du déclassement, ils doivent réveiller au plus vite leur imagination créatrice. Le destin des enfants nés avec le siècle se joue dans la décennie 2010-2020. Ils sont déjà dans leur dernière année d'école primaire...