Le 23 juillet 2025, après avoir considéré qu’elle était compétente, la Cour a répondu à la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale des Nations-Unis (résolution 77/276). À l’unanimité, la Cour formule les réponses suivantes:
- les traités relatifs aux changements climatiques imposent aux États parties des obligations contraignantes relativement à la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, notamment en prenant 8 séries de mesures énoncées au dispositif,
- le droit international coutumier impose aux États des obligations relativement à la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre,
- les États parties à la convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone ainsi qu’au protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone et à son amendement de Kigali, à la convention sur la diversité biologique et à la convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique, ont l’obligation, en vertu de ces instruments, de protéger le système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre,
- les États parties à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer ont l’obligation d’adopter des mesures pour protéger et préserver le milieu marin, y compris des effets néfastes des changements climatiques, et de coopérer de bonne foi
- les États ont l’obligation, en vertu du droit international des droits de l’homme, de respecter et de garantir la jouissance effective des droits de l’homme en prenant les mesures nécessaires pour protéger le système climatique et d’autres composantes de l’environnement.
La Cour a également répondu, à l’unanimité qu’une violation de l’une quelconque des obligations définies en réponse à la première question posée constitue, de la part d’un État, un fait internationalement illicite engageant sa responsabilité. L’État responsable a un devoir continu de s’acquitter de l’obligation à laquelle il a été manqué. Les conséquences juridiques résultant de la commission d’un fait internationalement illicite peuvent inclure trois séries d’obligations dont celle de l’octroi d’une réparation intégrale aux États lésés sous forme de restitution, d’indemnisation et
de satisfaction, sous réserve que puisse être établi un lien de causalité suffisamment direct et certain puisse être établi entre le fait illicite et le préjudice subi.
La Cour écarte l’argument selon lequel les traités relatifs aux changements climatiques constituent la seule source de droit applicable et conclut que le principe de la lex specialis ne conduit pas à l’exclusion générale des autres règles du droit international par les traités relatifs aux changements climatiques. La Cour précise ainsi que le droit applicable le plus directement pertinent est sans préjudice d’autres règles de droit international pouvant aussi être pertinentes dans certaines circonstances dans le contexte des changements climatiques.
Cet avis doit être rapproché de l’arrêt 53600/20 rendu par la CEDH le 9 avril 2024 Verein Klimaseiorinnen Schweiz et autres c. Suisse (AFFAIRE VEREIN KLIMASENIORINNEN SCHWEIZ ET AUTRES)
L’avis du 23 juillet 2025, comme l’arrêt du 9 avril 2024, s’appuient sur les travaux du GIEC menés depuis 1988. A cet égard, les observations récentes démontrent, à l’évidence, que le réchauffement climatique est une réalité dont les conséquences ne peuvent plus être minimisées.
La Cour internationale de justice conclut en indiquant que par cet avis, elle participe aux activités de l’Organisation des Nations Unies et de la communauté internationale que celle-ci représente, avec l’espoir que ses conclusions permettront au droit d’éclairer et de guider les actions sociales et politiques visant à résoudre la crise climatique actuelle (§456).
Incontestablement, cet avis confortera le rôle du droit international pour aborder les questions environnementales. Pour autant, en considérant que l’objectif de l’Accord de Paris de maintenir la “hausse des températures” en dessous d’une augmentation de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle et idéalement 1,5°C est désormais dépassé en ce qui concerne cette dernière valeur, il demeure que deux questions essentielles à la problématique environnementale planétaire n’ont pas encore été résolues:
- Comment l’économie peut muer effectivement pour amorcer une spirale vertueuse? À cet égard, et à titre d’exemple, si l’interruption totale du trafic aérien à l’échelle mondiale a une incidence immédiate, une telle interruption est parfaitement illusoire compte tenu de l’intégration des économies et leur dépendance à ce mode de transport;
- Comment la construction du droit peut rendre effective la responsabilisation de principaux émetteur de gaz à effet de serre, surtout lorsque les conséquences perceptibles se situent à plusieurs milliers de kilomètres du lieu d’émission? À cet égard, l’arrêt du 29 avril 2024 retient la responsabilité de la Suisse pour «inaction climatique» alors que ce pays ne représente que 0,18% des émissions de GES.
En matière d’environnement, concilier droit, économie et justice est sans doute l’un des plus grands défis engageant notre responsabilité vis-à-vis des générations futures.
D’ici là, le battement d’ailes d’un papillon n’a pas fini de provoquer des typhons à l’autre bout du monde.