Transparence, Concurrence et Régulations ?
2ème table ronde : « transparence, concurrence et régulations ? » avec M. Christian MOUILLON, associé, directeur général Europe du Sud – Ernst & Young, M. Pierre-Henri CONAC, professeur de droit à l'Université de Luxembourg, M. Olivier GARNIER, directeur général adjoint de SGAM ; membre du CAE, M. Marc LITZLER, directeur général de Calyon, M. Gérard RAMEIX, secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Mme Barbara RIDPATH, Executive Managing Director, Head of Ratings - Europe - Standard & Poors (Londres)
  • M. Christian MOUILLON

Merci. Nous allons attaquer la deuxième table ronde qui a pour objectif de se mettre en perspective et de creuser un peu plus certains thèmes qui ont été évoqués dans la première table ronde, et de voir comment améliorer la situation.

J'ai autour de moi pour participer à ce débat :

  • M. Pierre-Henri CONAC, professeur de Droit à l'Université de Luxembourg,
  • Mme Barbara RIDPATH, Executive Managing Director de STANDARD & POORS et en charge de la notation pour l'Europe,
  • M.Olivier GARNIER, Directeur général adjoint de SOCIETE GENERALE Asset Management,
  • M. LITZLER, Directeur général de CALYON,
  • M. RAMEIX, Secrétaire général de l'AMF.

Et je voudrais, comme l'a déjà évoqué le Président ROUGER, excuser Xavier de KERGOMMEAUX, associé gérant du Cabinet GIDE-LOYRETTE-NOUEL, empêché au dernier moment par un grave évènement familial.

Transparence de l'information

Avant d'entrer dans le vif du sujet et d'être en interaction avec les participants de la table ronde sur certains thèmes, je voudrais moi-même donner deux éclairages rapides :

1- Le premier est que je crois, au-delà de tout ce qui a été dit, fondamentalement nous nous sommes trouvés dans une réelle crise de transparence. Toute la question de l'information financière revient encore une fois au cœur du sujet.

Des textes sont en cours d'application : la fameuse IFRS 7 a justement pour but de donner beaucoup plus d'informations sur les risques financiers et il y aussi le « pilier 3 » de Bâle II, qu'il faudra le moment venu "stress-tester", sans faire un jeu de mots, pour vérifier si ces textes peuvent effectivement résister aux crises.

2- Je sens aussi poindre depuis quelque temps un débat sur le thème : est-ce que les règles comptables ne sont pas un facteur d'accélération des crises? On parle beaucoup du marked-to-market.

Je me souviens qu'il y a un certain nombre d'années nous n'avions pas de marked-to-market. Il y a eu un certain nombre de crises et l'on a dit qu'il fallait justement du marked-to-market pour pouvoir mesurer les risques. Maintenant qu'on l'a, on nous dit que c'est ce qui a engendré la crise...

Je suis commissaire aux comptes. J'ai audité les comptes de deux très grandes banques françaises et j'ai pu observer que les normes IFRS - si l'on prend celles-là – ont en réalité beaucoup plus encadré le marked-to-market que cela ne l'était auparavant. Qu'est-ce que cela aurait été si elles n'avaient pas été là !

Je pense aussi que ce sont ces mêmes règles comptables qui ont fait reconsolider certains véhicules. Encore une fois, si elles n'avaient pas été là, d'autres choses se seraient peut-être passées.

Je pense qu'il est utile d'avoir dans ce domaine un juste équilibre. J'encourage les régulateurs comptables - je suis commissaire aux comptes et pas régulateur comptable - à se poser ces questions pour voir comment on peut régler toutes ces questions.

Avant de finir et de passer la parole à nos intervenants, je crois que la première question immédiate - que je vais poser à M. LITZLER - est finalement la question qui est au bout des lèvres de chacun : on a besoin de retrouver la liquidité, on a besoin de retrouver des marchés en confiance. Je crois que la question de la transparence est essentielle et donc la question de prendre les pertes comptables, il faudra bien les prendre en fin d'année. Il y a du marked-to-market, il y a du marked to model, mais à la fin des fins, il faudra bien les prendre dans les comptes et il ne faudra pas avoir d'hésitations.

Je me suis trouvé il y a une quinzaine de jours avec mon Chairman mondial à aller voir le Treasury Secretary Henri PAULSON qui voulait discuter de certains sujets relatifs à ces questions et le message a été très clair: "vous, en tant qu'auditeurs, vous avez une responsabilité très importante" et nous en sommes extrêmement conscients.

Comment rétablir la liquidité?

Monsieur LITZLER, la première question est pour vous. Comment, de votre point de vue, voyez-vous la liquidité reprendre ?

Dans la foulée de cette question, il serait intéressant de voir, après la liquidité, finalement, si la titrisation, qui a eu au cours du temps un réel intérêt et a permis des refinancements, a tout de même créé de la valeur.

L'innovation financière ne doit pas être systématiquement jetée. Comment voyez-vous les évolutions ? Comment cette titrisation peut-elle reprendre ? Et, au-delà, une question plus générale est en liaison avec ce qu'a dit M. AGLIETTA : que fait-on sur les modèles ? Des révolutions sont-elles à faire? Doivent-ils être changés? Comment les paramètres peuvent-ils être mieux calibrés ?

  • M. Marc LITZLER

La question est vaste. Je ne dispose évidemment pas de boule de cristal pour vous donner des indications sur ce que pourrait être une sortie de cette crise de liquidité, d'autant qu'elle peut avoir comme conséquence de déboucher sur une crise du crédit. Ce n'est pas totalement exclu à ce stade.

En revanche, je crois que l'on peut donner des indications sur les conditions qui doivent être réunies pour que nous sortions de cette crise.

D'abord, deux ou trois éléments de contexte avant d'en venir à la réponse plus directement :

Pour ceux qui ont eu l'occasion de voyager récemment dans des régions autres que l'Europe et les Etats-Unis, il n'y a pas de crise en Asie, il n'y a pas de crise dans le Golfe. Il y a des régions dans le monde où la crise actuelle est totalement inconnue. C'est une crise des pays occidentaux.

Ensuite, c'est peut-être la première crise bancaire qui n'est pas une crise des clients des banques, ce n'est pas une crise des clients des Savings & Loans, des clients des hedge funds, des clients particuliers, ni une crise de l'immobilier. C'est une crise des banques elles-mêmes.

Ce n'est évidemment pas une crise de la liquidité puisque la liquidité est toujours là. Non seulement elle est là, mais elle l'est dans des conditions de plus de plus abondantes puisque la liquidité est un reflet de l'épargne, et l'épargne continue de croître et croît d'ailleurs plus vite que la production mondiale.

Ce n'est donc pas une crise de la liquidité. C'est une crise de confiance des intervenants bancaires, des banques.

C'est la première chose à souligner.

La manière de sortir de cette crise, la condition indispensable est de retrouver confiance dans les banques, confiance dans leur solidité financière. Pour cela, il faut bien évidemment certains dévoilements : des positions, des provisions, des expositions sur ces fameux papiers, papiers de subprime, papiers de CDOs d'ABS, de produits structurés à deux, trois niveaux de dérivés qui sont dans nos bilans et qui ont constitué des stocks-outils nécessaires pour fabriquer les produits d'épargne qui ont été vendus à des investisseurs institutionnels.

Il a été mentionné dans l'introduction de cette soirée, des montants de 400/ 450 milliards de dollars de pertes, dont 100 milliards de dollars sont aujourd'hui identifiés dans des publications de différentes banques américaines ou européennes à ce stade. Le reste est d'ailleurs assez largement dans les actifs des investisseurs institutionnels.

Les banques sont amenées à dévoiler ces positions plus rapidement que l'industrie de la gestion simplement parce que les banques sont régulées et parce que, en face des risques qu'elles portent, elles sont obligées de constituer et de mettre en évidence des fonds propres. C'est la raison pour laquelle les pertes se révèlent plus vite dans l'industrie bancaire que dans l'industrie de l'asset management.

L'autre élément à avoir en tête, je l'ai dit tout à l'heure, est que c'est une crise de la confiance du système bancaire. Les banques sont aujourd'hui elles-mêmes très réticentes à se prêter entre elles.

Parmi les principaux prêteurs des banques se trouvent les gestionnaires d'actifs. Or, les gestionnaires d'actifs ne prêtent plus aux banques aujourd'hui, non seulement parce qu'elles font face à cette crise de confiance, mais également parce qu'elles ont elles-mêmes besoin de cette liquidité pour faire face à la propre demande de liquidité de leurs clients finaux. Etant porteur de ces papiers qui présentent une faible liquidité, elles sont obligées de garder en réserve ces liquidités de manière à pouvoir faire face à des remboursements anticipés éventuels.

Nous sommes donc dans une situation bloquée, qu'il faut également compléter du fait que toute émission de Lower Tier I est actuellement à peu près impossible et que l'on a même vu la fermeture d'un marché ultra régulé et protégé des Covered Bonds : même ce marché présente aujourd'hui des difficultés de fonctionnement importantes.

Les banques, les intervenants bancaires intermédiaires, essentiellement les banques de financement et d'investissement - ces banques dont l'activité principale est de faire cette intermédiation entre le monde du financement et le monde de l'investissement - se retrouvent dans une situation où les photographies de fin d'année, qui détermineront le montant de fonds propres à mettre en face de leurs engagements, rendront ces calculs assez problématiques.

Ils le seront d'autant plus que se pose évidemment la question de savoir comment on va ré-évaluer ces papiers, ces CDOs d'ABS; cela a été assez largement évoqué par le professeur AGLIETTA lors de la précédente table ronde.

Pour revenir sur ce sujet crucial pour nous, dans marked-to-market, il y a évidemment « market ». Pour avoir un marked-to-market efficient, encore faut-il qu'il y ait un marché. S'il n'y pas de marché, en tout cas c'est la position assez largement partagée des banques européennes, nous disposons aujourd'hui de modèles qui nous permettent de modéliser le prix de ces actifs, qui font donc un pont assez compliqué d'un point de vue modélisation entre le comportement élémentaire de ces prêts immobiliers et ces produits qui sont des dérivés de deuxième ou de troisième niveau sur ces prêts.

On peut d'ailleurs altérer également ces prix en disant que les paramètres des prêts élémentaires, je les altère ou je fais des hypothèses dégradées, auquel cas je fais non pas un marked to model, mais un marked to stress; cela est également possible, évidemment en concertation et en accord avec les commissaires aux comptes et les autorités de tutelle.

Mon point est de dire que si nous devions être amenés à marquer to market stricto sensu et qu'à la fin de l'année les opérateurs, ou les banques les plus faibles, ou les opérateurs les plus faibles, devaient être amenés à solder certaines de leurs lignes, cela forcerait l'ensemble du système bancaire à marquer ces lignes au prix des soldeurs.

C'est-à-dire que les plus faibles de l'industrie imposeront les prix à l'ensemble de l'industrie. On peut par conséquent être amené, en étant dans une situation de cette nature, à marquer ces lignes extrêmement bas et à des niveaux totalement décorrélés des hypothèses les pires sur les probabilités de défaut et de recouvrement de ces prêts subprime américains.

Je crois qu'il faut aussi garder quelque part en tête que le subprime est une innovation technologique. C'est un progrès dont disposent les Américains et dont nous ne disposons pas. Une personne handicapée en France ne peut pas emprunter pour acheter son logement. C'est possible aux Etats-Unis. Cela s'appelle le subprime.

Ceci pour rappeler qu'il faut faire attention aux amalgames un peu grossiers sur le bien-fondé de ces techniques. Ce sont les techniques de subprime, c'est la réglementation des subprime, ce sont les techniques de titrisation qui ont finalement permis de faire dans les dix dernières années 2 millions de logements sociaux par an aux Etats-Unis. Cela n'enlève rien à la gravité de la situation actuelle.

Je crois que nous faisons aujourd'hui face à un problème de valorisation de ces papiers, marked to model, marked to stress, marked-to-market. C'est un problème important auquel nous devrons collectivement apporter des réponses, rapidement d'ailleurs puisque les échéances de fin d'année se précisent, réponses dont dépendra également assez largement le retour à la normale de la situation de la liquidité qui, elle-même, conditionnera également la situation en matière de crédit, notamment la possibilité des banques de pouvoir continuer à prêter à l'ensemble du système économique mondial.

La titrisation a-t-elle encore un avenir?

  • M. Christian MOUILLON

Un dernier mot sur la titrisation : Comment voyez-vous les choses évoluer pour que le marché redémarre ? Je crois qu'il faut vraiment une réduction de l'incertitude...

  • M. Marc LITZLER

Très schématiquement, je crois qu'il y a eu deux sortes de titrisation :

Les titrisations très classiques d'ABCP qui sont des formes un peu améliorées de d'affacturage en quelque sorte. Quand on titrise des créances d'entreprise, quand on titrise des cartes de crédit, tout cela a, de mon point de vue, été une innovation majeure dans l'industrie financière et ne pose pas de problème majeur, si ce n'est qu'aujourd'hui le fonctionnement de ces titrisations est ralenti.

En revanche, le principe des titrisations a également été utilisé- comme l'a rappelé le professeur AGLIETTA - pour financer à court terme des actifs de plus long terme et des actifs de modélisation et de complexité supérieures.

Dans ce domaine d'ailleurs, les réglementations Bâle II auront probablement des impacts régulateurs meilleurs que les anciennes régulations.

Il faut faire attention à ne pas faire l'amalgame entre les véhicules classiques de titrisation de créances commerciales qui fonctionnent très bien, qui sont aujourd'hui ralentis mais qui devraient, selon moi, assez vite retrouver une situation normale, et ces fameux SIV aux titrisations plus structurées qu'il faudra probablement revoir. C'est une forme d'intermédiation qu'il faudra probablement rendre plus transparente.

Revoir le business model des agences ?

  • M. Christian MOUILLON

Je vous propose de revenir sur certains thèmes évoqués par notre collègue de DBRS. Je crois que la situation a été assez bien décrite. Elle a indiqué certaines pistes qu'il faudrait éventuellement explorer. La question que j'ai envie de vous poser est principalement de deux ordres :

Au fond, est-ce que, de votre point de vue, les agences de notation doivent avoir un statut professionnel? Finalement, quels doivent être leurs rôles- car elles contribuent indirectement à une sécurité des marchés : est-ce la sécurité des marchés ou est-ce simplement une information ?

Si c'est un statut professionnel, je dirais que c'est un peu comme ma profession, on doit avoir un régime de responsabilité et les attributs attachés à ce statut et, de facto, on en vient très vite à la question : finalement, quel doit être le business model des agences de rating?

Ce n'est pas que je veuille être dans le même camp que Mme GERST sur le point de savoir qui on facture, car je ne suis pas totalement sûr que ce soit le sujet.

En revanche, la séparation de certaines activités, ne pas confondre les activités de conseil et les activités d'audit s'applique-t-il à notre profession? Il serait assez intéressant d'avoir votre point de vue sur ce sujet.

  • Mme Barbara RIDPATH

Je ne suis pas commissaire aux comptes.

Nous sommes parfaitement conscients en tant qu'agence de notation que nous sommes énormément concernés, parmi les acteurs du marché, par cette crise. Nul chez nous ne voudrait éviter d'engager un débat sur ce que l'on devrait faire pour améliorer notre performance future. Il est absolument clair que nous voudrions bien être partie prenante à une solution quelle qu'elle soit.

C'est peut-être la différence avec d'autres crises, où notre rôle était de moindre importance.

Parmi les solutions déjà évoquées, il y a la possibilité, comme vous le dites, de professionnaliser l'analyste de crédit à la manière d'un auditeur comptable. Nous avons

débattu sur ce sujet au sein de notre société. Cela voudrait dire une formation particulière, et notamment un bureau de standards sur non seulement le comportement, mais sur le "comment faire" et le règlement de l'opération dans ce domaine.

Ce n'est pas exclu, mais pour le moment notre avis est que cette qualification existe déjà dans ce que l'on appelle dans le monde anglo-saxon le Chartered Financial Analyst qui signifie "analyse financière". Ce programme de trois années d'études avec des examens à chaque niveau est non seulement vivement encouragé pour tous nos analystes, mais également payé par la société au titre de la formation avec les temps de cours à suivre et des mécanismes pour avoir du temps libre afin de poursuivre ses études. De plus en plus de nos analystes passent ces examens et sont au premier rang des inscrits

L'autre difficulté d'avoir un groupe professionnel est que l'analyse de crédit est aussi le métier de tous les banquiers de la Place. Nous ne sommes pas les seuls à être censés faire de l'analyse crédit ; tous les banquiers sont censés le faire. Comment distinguer notre travail de celui de banquiers pour l'octroi du crédit ?

Il faut peut-être faire quelque chose pour les deux, mais je crois que singulariser les agences de notation parmi d'autres professionnels du crédit serait faire un distinguo qui n'est pas valable. Je crois cependant que c'est tout de même à explorer ; nous l'examinons au sein de notre société pour voir si, nous aussi, nous serions prêts à le proposer.

Sur le business model je voudrais intervenir sur cette idée du client qui paie; mais, pour commencer, sur cette idée du conflit d'intérêt, je crois que le vocabulaire des agences et le vocabulaire du marché sont fort différents.

Nous n'avons, d'après nous, aucune activité de conseil chez nous. Je ne veux pas parler pour les autres agences, mais nous ne le faisons pas dans le domaine de la notation.

Le professeur AGLIETTA voudrait dire que les itérations dans la titrisation ressemblent trop au concept de conseil.

Nous n'assimilons pas ce travail au conseil parce que tout cela est accessible au grand public, puisque c'est publié sur tous nos sites web. Si un conseiller donne du conseil, ce n'est que pour le client, c'est payé par le client et personne d'autre n'a accès à ces renseignements.

Quand l'on fait l'itération d'une titrisation, la note est donnée et le raisonnement comme le bien-fondé de cette titrisation se retrouvent sur notre site web. Toute autre partie prenante pourrait utiliser les mêmes techniques. Il ne s'agit pas, selon moi, de conseil. Il s'agit de renseignements librement donnés parce que personne n'alerte ou ne donne une information qui ne serait pas accessible à tous nos clients.

C'est la première partie, mais nous pouvons encore discuter. Il est très clair que notre rôle dans la formation et l'éducation du marché pour clarifier ces points est, ici, évident .

Sur le business model, je vais citer une personne des autorités de tutelle.

Dans notre modèle où c'est l'émetteur qui paie, il faut rappeler avec insistance qu'aucun de nos clients ne représente plus de « 0, quelque chose » de notre chiffres d'affaires total. Nous n'avons aucun intérêt à faire des notes spéciales, au détriment de notre chiffre d'affaires, pour un client qui ne représente qu'une toute petite partie de notre revenu global.

En revanche, je trouve intéressant de savoir comment fonctionnerait un modèle payé par l'investisseur. Je demanderais peut-être à M. GARNIER plus tard quel investisseur paierait pour quelque chose qui serait disponible pour tout le marché. Je ne connais aucun investisseur qui serait prêt à payer pour des informations publiquement disponibles.

Jusqu'à présent, toutes les autorités de tutelle nous ont obligé à rendre une notation publique. J'en suis ravie, car nous sommes pour la transparence. Nous voudrions bien que tout le monde puisse recevoir nos notes soit par Bloomberg (qui n'est pas gratuit), soit par les journaux, soit par notre site web.

Dès que l'on sera obligé de faire payer l'investisseur, ces notes ne seront plus publiques. Je ne crois pas que cela rendrait service au marché.

Ensuite, il y a autre élément sur qui devrait payer, un troisième modèle : le service public. Il se peut que les Autorités de tutelle nous demandent de devenir un service public. Dans ce cas, tous les investisseurs paieront un forfait pour un service qu'ils seront obligés d'accepter, tout comme les émetteurs.

Nous travaillerions dans ce cas sous la tutelle d'une autorité qui nous obligerait à opérer avec les moyens et selon les méthodes qu'elle déciderait et, à la prochaine crise, nous verrons bien qui portera la responsabilité...

  • M. Christian MOUILLON

Si vous le permettez, j'aimerais revenir sur un des sujets évoqués : Les agences de notation, qui notent le risque de crédit, la solvabilité, doivent-elles noter la liquidité ? Quel est votre point de vue ?

  • Mme Barbara RIDPATH

Je trouve un paradoxe assez intéressant. Nous voudrions bien trouver une façon de noter à la fois la liquidité et la volatilité. Mais, d'un côté, tout le monde nous dit que nous sommes nuls, que nous ne savons pas ce que nous faisons. On ne sait faire de notes, on ne devrait pas être dans ce business... "En revanche, pourriez-vous me donner encore des renseignements sur la liquidité et la volatilité ?"

Si nous sommes si nuls, pourquoi nous le demander? (Rires.)

Je crois que la liquidité est fort difficile à mesurer : combien de market makers y a-t-il ; qui détient les titres? Ont-ils l'intention de les porter jusqu'à maturité ou sont-ce des traders?

  • M. Christian MOUILLON

L'intention...

  • Mme Barbara RIDPATH

Oui, c'est l'intention. C'est ce qui détermine la liquidité: le volume et la capacité d'en trouver d'autres de l'autre côté. C'est pourquoi la Banque Mondiale ou la République Française ont des émissions beaucoup plus liquides. C'est le même raisonnement, mais dans un sens plus large.

Pour la volatilité, nous sommes convaincus d'y arriver finalement, mais la volatilité doit être mesurée à l'intérieur d'une classe d'actifs ou d'une classe d'émissions. Par exemple, pour la volatilité pour les CDOs, on y est presque. Comparer la volatilité des CDOs à celle des prêts hypothécaires ne prend pas plus de temps.

En principe, la volatilité sera largement une fonction de la granularité des actifs sous-jacents dans la titrisation. Plus il y a d'actifs, moins il y a volatilité. C'est aussi simple que cela !

Responsabiliser les agences ?

  • M. Christian MOUILLON

Monsieur le Professeur CONAC, vous êtes professeur de droit. J'ai envie de vous interpeller sur ce dont nous avons parlé avec Mme RIDPATH : le statut et la responsabilité. Doit-elle être organisée ? Doit-elle être juridique ? La pression de réputation suffit-elle ou devrait-elle suffire à conduire à des comportements de qualité de la part des agences de notation ?

  • M. Pierre-Henri CONAC

Merci. La perte de réputation est effectivement un garde-fou très sérieux pour les agences. C'est évident. Si, pour gagner 0,1% de part de marché supplémentaire, on perd sa réputation, le risque est énorme !

Comme je suis juriste, je trouve qu'il faut un peu de responsabilité. J'ai du mal à imaginer un monde sans responsabilité. Lorsque je me penche sur les agences de notation, je découvre - oh stupeur ! - un monde où il y a très peu de responsabilité.

Les agences de notation, bien sûr, sont très sérieuses. Elles font bien leur travail, mais il y a tout de même quelque chose d'un peu surprenant.

Je tiens à dire que je n'ai absolument aucune hostilité quelconque à l'égard des agences de notation, qu'il ne faut absolument pas prendre comme bouc émissaire de la crise. Ce sont des propos très libres et très généraux.

Une question m'interpelle en tant que juriste et aussi au regard du marché : dans la chaîne de l'information, tout le monde est responsable, et les responsabilités sont très fortes. Les banques d'investissement, les analystes financiers, les commissaires aux comptes, les dirigeants de société - on a vu cela aux Etats-Unis - ont tous de très fortes responsabilités. Quand on se penche sur les agences de notation qui ont un rôle très important, il n'y a plus personne, il n'y a quasiment plus de responsabilité. Un chaînon dans la chaîne est juridiquement quasiment irresponsable. Cela me paraît une anomalie.

Je ne souhaite pas la responsabilité pour la responsabilité, mais il paraît étonnant, à côté d'acteurs très responsables, que d'autres échappent quasiment à toute responsabilité.

Ce n'est pas totalement exact. Il y a en réalité, une apparence d'irresponsabilité. Il n'y a pas une absence de responsabilité. Les juristes ont horreur du vide. Il n'y a de vide juridique nulle part. Les agences ont bien, il est vrai, une image d'absence de responsabilité perçue par tous et peut-être aussi par les agences.

Cette image vient des Etats-Unis pour l'essentiel, où les agences, en cas d'action en responsabilité par des investisseurs qui diraient : "J'ai acheté des titres AAA parce qu'ils étaient AAA et il n'y a finalement pas de remboursement. Je demande un paiement. Je vous attaque en responsabilité », sont protégées par le premier amendement de la Constitution sur le free speech, la liberté de la presse. Il est donc quasiment impossible de mettre en jeu leur responsabilité, sauf à établir une intention de nuire. Là, je tremble évidemment, on ne peut imaginer que les agences de notation agissent avec une intention de nuire dans le rating.

Aux Etats-Unis, il n'y a quasiment pas de jurisprudence. Une ou deux affaires ont donné lieu à des transactions où des investisseurs mécontents ont récupéré quelques dollars, mais cela n'a rien à voir avec ce que l'on a pu voir en matière de commissariat aux comptes.

La situation est différente en France, de même qu'en Europe, sur le papier puisqu'il n'y a pas la protection du droit de la presse. En France, les agences de notation tomberaient sous le principe de l'article 1382 du Code civil, la responsabilité délictuelle ; l'investisseur qui a utilisé le rating pour prendre sa décision d'investissement pourrait dire : "je me suis basé sur ce rating. J'engage la responsabilité au titre de l'article 1382 : « tout fait quelconque de celui qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'".

Il faut donc une faute, un dommage et un lien de causalité. Rien ne l'empêche.

Je ferai une remarque sur l'idée avancée selon laquelle il faudrait peut-être que ce soient les investisseurs qui paient les agences. Surtout pas ! Surtout pas d'un point de vue juridique. Que feront tout de suite les agences? Elles mettront des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité. Avec l'article 1382, ce n'est pas possible. Donc, surtout ne pas basculer sur ce modèle pour cette raison.

Il n'y a pas de cas de responsabilité en France. J'ai regardé d'autres pays : il n'y en a pas non plus en Belgique apparemment. On peut se dire que cela n'existe finalement pas. Cette absence de responsabilité est perçue.

C'est vrai, mais le texte est là. On disait cela aussi des analystes financiers pendant très longtemps en France, puis il y a eu l'affaire LVMH - MORGAN STANLEY avec l'article 1382 qui a été utilisé pour obtenir une condamnation en première instance de 30 Millions d'euros. Cela a évidemment été réformé en appel.

C'est donc tout à fait possible.

On peut faire la même comparaison avec la responsabilité des émetteurs au titre de la fausse information. Dans ce domaine, pendant très longtemps aussi, la jurisprudence française a été quasiment lacunaire. Depuis trois ans, ce n'est plus du tout le cas.

En faisant une comparaison entre la responsabilité d'une société qui aurait donné une fausse information au public, on peut très bien transposer la jurisprudence qui s'est dégagée depuis trois ans sur ce qui arriverait si quelqu'un poursuivait une agence en France. Les solutions me paraissent notamment transposables.

Que faut-il ? Il faut une faute, un dommage et un lien de causalité.

L'investisseur dit : "J'ai acheté l'obligation AAA parce qu'elle était notée AAA. A cause de cela, j'ai finalement perdu l'argent. Donc j'engage la responsabilité de l'agence qui m'a finalement incité, qu'elle le veuille ou pas parce que c'est public justement, à acheter".

Commençons par le lien de causalité.

L'agence doit dire : "j'ai noté AAA, mais est-ce vraiment ce qui vous a incité à acheter le titre noté AAA?" Ce ne serait pas un problème si difficile que cela juridiquement parce que de nombreux investisseurs institutionnels peuvent acheter uniquement du AAA ou seraient spécialisés dans certains produits investment grade. Il serait facile de dire : "je l'ai acheté parce que je ne pouvais statutairement qu'acheter ce type de titres. Si cela n'avait pas été noté AAA, je ne l'aurais pas acheté".

De plus, si l'on prend la jurisprudence en matière de fausse information du public par les émetteurs, on voit que la jurisprudence, les cours d'appel et la Cour de cassation ne sont pas très exigeantes sur les liens de causalité.

Maintenant, que peut être le dommage ?

La jurisprudence se divise un peu. Certains disent : "c'est la perte que j'ai subie" et d'autres : "c'est une perte de chance". Qu'importe, le juge trancherait.

Le problème est la faute.

Il me paraît difficile de prouver une faute d'agence. Il faut d'abord que l'émetteur ne rembourse pas, ce qui n'est pas un cas si fréquent; c'est assez rare. Et il faut prouver que l'agence a commis une faute dans l'évaluation ; or, les agences sont sérieuses. C'est finalement au niveau de la faute, à mon avis, que le problème se pose.

Je ferai donc deux propositions pour conclure :

1- Elargissons les cas potentiels de responsabilité des agences. Demandons-leur non pas de noter simplement le risque de non-remboursement, mais pourquoi pas aussi le risque de volatilité... Amenons-les dans des pièges, des cas où il sera plus facile d'engager leur responsabilité et là, en quelque sorte, il y aura plus de risques de faute. De plus, c'est une demande du marché.

Soit on attend que le marché s'autorégule et le demande, soit on peut le demander de manière autoritaire.

2- Puisque, même dans ce cas, je pense que les agences font bien leur travail pour échapper la plupart du temps à leurs responsabilités, vu leur rôle, vu leur importance, elles ne peuvent rester en dehors d'une régulation par les autorités publiques, que ce soit l'AMF en France ou la SEC aux Etats-Unis.

Il faudrait créer un statut avec la possibilité pour ces agences, pour les autorités, de prononcer des sanctions administratives avec, de plus, possibilité de publication sur les sites Internet qui sont une forme de naming and shaming qui serait plus douloureux qu'une sanction pécuniaire.

Il n'y a pas de raison, vis-à-vis des autres acteurs, qu'elles y échappent. Je n'appelle évidemment pas à les sanctionner s'il n'y a pas de raison. S'il est constaté dans la méthode utilisée qu'une faute a été commise, ce n'est pas suffisant pour entraîner une responsabilité civile parce qu'il n'y a pas forcément eu de non-remboursement, mais ce comportement n'est peut-être pas professionnel et, à ce titre, il doit être sanctionné d'une manière ou d'une autre.

Actuellement, il n'existe quasiment pas de possibilité de sanction.

Voilà ma conclusion.

  • M. Christian MOUILLON

Nous avons là un point de vue très fort d'un intervenant qui veut conférer un statut aux agences de notation avec un système de responsabilité, lui aussi, très fort.

J'ai bien entendu ce qu'a dit M. BESSON en indiquant que l'on avait conféré un rôle de quasi-régulateur aux agences de notation. Monsieur Olivier GARNIER, vous qui êtes investisseur, quel est votre point de vue ? Finalement, la notation est-elle une information ou est-ce réellement quelque chose que l'on peut prendre « pour argent comptant » ?

Revisiter les attentes des investisseurs et des autorités vis-à-vis des agences ?

  • M. Olivier GARNIER

Puisque nous sommes un peu à la fin des discussions et qu'il faut aller vite, je vais un peu forcer le trait.

Je prendrai plutôt le contre-pied de ce qui vient d'être dit pour dire que, de mon point de vue, il faudrait plutôt aller à l'inverse et revenir à ce qui est à la base du métier de la notation.

Mme GERST a dit, au départ, que les notateurs étaient des journalistes financiers. A la limite, s'ils redevenaient des journalistes financiers, du point de vue de l'investisseur que je suis, je crois que ce serait cela ne serait pas un mal- je caricature pour faire vite parce que je vois le Président ROUGER.

Pour moi, le problème vient plutôt de l'utilisation qui a été faite de la notation aussi bien par les régulateurs d'un côté que par les banques et les investisseurs de l'autre, en transformant finalement ce qui était une simple opinion en une quasi-certification.

Ma recommandation - et je vais expliquer pourquoi - serait plutôt de faire marche arrière :

  • Proscrire autant que possible toute référence explicite aux notations dans les réglementations, dans les contrats, ou même quand tel client nous dit : "je vous interdis d'investir sur un papier qui aurait moins de telle note". C'est compliqué à faire, mais je simplifie.
  • Eviter de réguler toujours plus les agences de notation.

Je ne vais pas revenir parce que l'on a déjà fait l'histoire de la notation, mais pourquoi, finalement, est-on passé d'un modèle où la notation était une opinion à aujourd'hui une certification ? C'était très clair dans le cadre des Etats-Unis.

C'est encore plus clair si l'on prend le domaine des crédits structurés où l'on voit bien, comme l'a indiqué Michel AGLIETTA tout à l'heure, que l'on a inversé la logique de la notation. C'était avant plutôt un constat ex post, et cela devient là un objectif à atteindre : on fait tourner le modèle à l'envers pour obtenir la notation et, dans ce cas, la notation devient une autorisation d'acheter, le notateur délivre une sorte de certificat : "vous pouvez acheter ce papier".

C'est tout à fait dangereux parce que cela déresponsabilise tout le monde, aussi bien du côté banque que du côté investisseur.

Pourquoi ?

Une première réponse serait de dire qu'à partir du moment où les notateurs sont devenus des certificateurs, ce serait l'approche que l'on entend parfois aujourd'hui : "justement, c'est pourquoi il faut réguler ces institutions" voire parfois on entend dire : "pourquoi n'est-ce pas la Banque centrale qui fait ce métier ?"

Je vois au moins quatre raisons qui font que cela me semblerait dangereux :

1- Premièrement, la notation, même si elle était tout à fait réglementée et que cela émanait de Christian NOYER lui-même, de toute façon, serait sujette à erreur. C'est complètement sujet à erreurs répétées. A la base, je suis un économiste. Les économistes font aussi des erreurs. On voit bien sur le sujet subprime une variable-clé dans la notation : par exemple l'hypothèse sur l'évolution des prix immobiliers. Aujourd'hui, qui peut assurer connaître exactement ce que sera, dans les douze prochains mois, l'évolution des prix immobiliers ?

De plus, on voit bien que si l'on essaie de normaliser au maximum (comme vous l'indiquiez tout à l'heure, on essaie de dire maintenant qu'il faut prendre en compte la volatilité, la liquidité...), comment, avec juste trois lettres, arrivera-t-on à prendre tout cela en compte alors que l'on a déjà du mal pour le risque de crédit ?

Il y a là une première impossibilité.

2- Deuxièmement, plus on réglemente, plus il y a un risque, selon moi, de dégradation de la qualité des notations.

Pourquoi ? D'abord parce qu'on le voit bien, le premier effet disciplinaire dans le domaine de la notation est la réputation, c'est le capital « réputation ». Si finalement les agences, une fois qu'elles sont agréées, peuvent tout se permettre, elles n'ont plus besoin de préserver leur réputation.

Ensuite, on élève les barrières à l'entrée dans ce cas. Cela veut dire: moins de concurrence, moins de diversité des points de vue, et, si cela devient carrément des agences publiques, on peut se poser la question d'arriver à attirer des gens suffisamment compétents pour faire ce type de travail.

Un dernier point est aussi un phénomène bien connu des économistes, par exemple en politique monétaire - M. AGLIETTA doit connaître cela -, c'est ce que l'on appelle la loi de GOODHART : quand on prend pour objectif un certain indicateur, comme tout le monde se met à optimiser par rapport à cet indicateur, même s'il était très pertinent, cet indicateur n'a plus aucune valeur.

L'exemple que je prends souvent est celui, dans un autre domaine - celui des finances publiques- du fameux déficit de Maastricht où, au départ, quand l'on avait pris ce critère pour juger du caractère sain ou non d'une politique budgétaire, on avait dit : "on ne va surtout pas prendre le déficit qui vient de la Direction du Budget qui est toujours manipulé, mais celui calculé par les comptables nationaux type INSEE, qui est vierge"

Une fois qu'on l'a pris comme objectif, toute une créativité comptable s'est développée et tout le monde optimise par rapport à cet indicateur qui, aujourd'hui, ne veut plus rien dire.

Quand les notations ont un statut réglementaire, même si elles étaient bonnes au départ - j'ai dit d'ailleurs qu'elles sont nécessairement imparfaites - de toutes façons, cela ne fonctionne pas.

3- Troisièmement - c'est ce que l'on voit bien aujourd'hui d'ailleurs dans l'effet un peu multiplicateur des erreurs -, plus on réglemente, plus on normalise, plus tout le monde utilise les mêmes méthodes ; s'il y a une erreur comme celle faite en matière d'évolution des prix immobiliers, cela se retrouve partout. De plus, quand vous faites des CDOs, des tranches, etc., l'erreur qui était au départ dans la première erreur se retrouve partout.

Pour lancer une petite pique aux agences, quelque chose m'a toujours paru bizarre : elles vont parfois revoir leur modèle pour les CDOs ou même leurs hypothèses sur les émissions nouvelles, sur les nouveaux papiers, mais l'erreur qui traînait dans les anciens reste toujours et on va remettre du papier dans lequel il y a l'erreur, qui sera dans la nouvelle structure. C'est une remarque en passant.

Tout cela veut dire que plus on réglemente, plus on déresponsabilise aussi parce qu'il est à ce moment facile de dire : "Pour nous, investisseurs, vis-à-vis de nos clients on avait acheté ce papier : c'était Moody's ou S&P qui l'avait dit ; donc, on est en règle".

4- Enfin, un dernier élément que je voudrais souligner : on pourrait se dire, si l'on ne peut aller dans le sens de plus de réglementation, que d'autres pistes seraient envisageables, qui ont été évoquées :

  • soit la piste qui est souvent envisagée aux Etats-Unis - c'était le sens de la réforme de 2006 - qui est d'essayer de promouvoir la concurrence, mais on voit bien, à cause des effets de réputation et autres, que les barrières à l'entrée restent élevées. C'est donc une fausse piste.
  • l'autre piste qui est de faire payer l'investisseur. Je suis d'accord avec vous, en tant qu'investisseur, je ne vois pas pourquoi payer une information publique.

Pour conclure, quand je dis, toujours en simplifiant,que «la solution est finalement de revenir au modèle de base », c'est juste une opinion, «le modèle de base » veut dire que chacun doit faire son travail.

Chacun doit faire son travail veut dire que les banques et les investisseurs d'abord doivent évaluer le crédit qu'ils achètent. Certains disent: "finalement, si l'on redonne cette responsabilité aux investisseurs et aux banques, ont-ils vraiment les moyens de le faire ?". J'ai tendance à dire que l'on marche un peu sur la tête si l'on dit cela.

  • M. Christian MOUILLON

C'est la question que j'allais vous poser.

  • M. Olivier GARNIER

Le métier de base d'un banquier est d'évaluer le crédit.

Du point de vue de l'investisseur, un investisseur qui achète du crédit, un papier ou une titrisation qu'il ne sait pas analyser, mieux vaut qu'il n'achète pas. C'est aussi une règle de base.

On voit bien que ce n'est pas si utopique que cela puisque, comme on l'a dit aussi, dans Bâle II, si l'on prend l'approche non standard, cela repose bien aussi sur l'idée que c'est la banque elle-même qui doit faire ce travail.

Par rapport à la question "comment „dans ce nouveau cadre,peut se structurer le marché de la notation ?", on ne va effectivement pas payer les agences de notation pour une information publique, mais - et c'est là le meilleur moyen de développer la concurrence à partir du moment où l'investisseur se retrouve avec la pleine et entière responsabilité d'évaluer le crédit, cela veut dire qu'il aura peut-être besoin de gens qui l'aideront à développer ces modèles en interne, de lui fournir des bases de données.

Tout un marché peut se développer - un peu comme dans l'analyse financière où l'on voit bien aussi aujourd'hui que des petites boutiques se créent pour aider à faire de l'analyse -, marché qui ne sera pas fondé sur la réputation où il n'y aura pas d'ailleurs pas besoin de bâtir une réputation parce que cela consistera à fournir des prestations techniques, et où nous, investisseurs ou les banques, seront prêtes à payer, où l'on peut éventuellement aussi mutualiser les coûts entre investisseurs.

Tout un business model peut se développer aux côtés des agences de notation.

Vous avez demandé si l'on pourrait se passer des agences de notation. On ne va pas s'en passer, mais on devrait faire en sorte, à la limite, de pouvoir s'en passer. Cela ne veut pas dire que l'on n'a pas besoin des agences de notation ; on a besoin de leurs opinions, elles fournissent des informations, mais il faut que cela se limite à cela.

A nouveau, pour conclure, il faut revenir à un modèle où chacun fait son travail, les investisseurs et les banquiers qui évaluent le crédit, le régulateur qui vérifie si les investisseurs et les banquiers font bien leur métier, et puis les agences de notation qui reviennent à ce qu'elles ont toujours dit qu'elles faisaient, même si elles vont souvent au-delà, en se réfugiant d'ailleurs souvent derrière le premier amendement de la Constitution : juste émettre une opinion qui sera de la même nature que celle de tel ou tel journaliste financier.

  • M. Michel ROUGER

Merci. Un mot pour venir au secours d'Olivier GARNIER sur un cas amusant.

Quand j'avais en charge le CDR, plusieurs centaines d'entreprises représentaient 40 MdF de chiffre d'affaires et 40 000 remplois. Elles avaient leur crédit bas de bilan et même un peu au-dessus au CREDIT LYONNAIS. Bruxelles avait interdit qu'il y ait un maintien des relations.

Evidemment, les concurrents du CREDIT LYONNAIS ne voulaient absolument pas faire crédit à cette entreprise. Bloqués. On extrait du CDR une banque qui dormait et on la réactive. Les autorités, les institutionnels étaient fondamentalement hostiles à cette démarche, mais ils ne pouvaient pas nous le refuser parce que personne ne voulait prendre la responsabilité d'un risque de mise en faillite d'une entreprise de 40 000 salariés.

Ils nous ont dit : "d'accord, faites-vous noter", convaincus qu'ils étaient qu'il n'y aurait pas l'indépendance du notateur et qu'il nous enverrait promener. Pas du tout ! On reçoit un AAA en réponse, ce qui a surpris tout le monde, ce qui nous a, nous, heureusement surpris, mais qui nous a permis de débloquer une situation que le système institutionnel a bien été obligé d'avaler.

Pardon, Monsieur MOUILLON, je vous ai coupé.

  • M. Christian MOUILLON

Il n'y a pas de mal.

Nous avons entendu M. CONAC pour plus de régulation, et nous avons entendu M. GARNIER qui est pour moi une régulation. Je trouve que cela tombe bien que M. RAMEIX, qui est régulateur, termine la table ronde.

Nous avons vu qu'aux Etats-Unis du crédit n'était pas régulé. Finalement, quel est son point de vue sur une régulation qui s'avère in fine assez fragmentée avec la régulation bancaire d'un côté, la régulation des titres et boursière de l'autre. Je sais qu'il y a eu beaucoup de coopération année après année, mais, tout de même, quand on a vu ce qu'il s'est passé, n'a-t-on pas envie de se dire qu'il est temps de repenser tout le système, de davantage l'intégrer? Et comment faire pour aller plus loin dans la coopération internationale?

Au moment où l'on parle de régulation, il y a toujours le débat de ceux qui disent que «trop de régulation tue la régulation ». Nous avons eu beaucoup de régulation année après année. N'y a-t-il pas des moments où il est urgent de réguler ?

Réguler et surveiller : quoi ? jusqu'où ? dans quelle enceinte ?

  • M. Gérard RAMEIX

Cette question n'est pas facile.

Sur le débat entre Pierre-Henri CONAC et Olivier GARNIER, dussé-je vous surprendre, je suis plutôt du côté d'Olivier parce que je ne voudrais surtout pas entrer dans le scénario de Madame RIDPATH, c'est-à-dire d'avoir les agences de notation sous notre direction et nous voir mis en cause à la prochaine crise- puisque, bien entendu, il y aura une nouvelle crise qui n'aura pas la forme de celle que nous étudions. Il y a déjà beaucoup de risques dans le métier de régulateur et en ajouter un est difficile.

Il y a un sujet sur les relations entre la régulation et les agences de notation, mais, là aussi, sans vouloir être paradoxal et provocateur, malgré le titre de notre réunion de ce soir, je ne pense pas que ce soit le sujet central dans la crise des subprime.

Je pense que les agences de notation sont sur le devant de la scène parce que l'on avait besoin d'elles, parce qu'elles ont effectivement revêtu de leur nom et de leur réputation les produits structurés mais, fondamentalement, comme l'ont très bien expliqué les intervenants de la première table ronde qui analysaient et vous-même M.LITZLER, la crise est une crise de liquidité inter-bancaire, de relations inter-bancaires, beaucoup plus difficile et beaucoup plus profonde que celle qui résulte simplement d'une erreur d'information d'anciens journalistes qui se sont passionnés pour la finance depuis quelques dizaines d'années ...

Nous avons affaire à quelque chose de beaucoup plus compliqué que cela.

Vous me posez une autre question: des leçons sont-elles à tirer pour le régulateur ?

A mon avis, il y en a beaucoup, mais il ne faut trop se bousculer parce que l'on n'est pas au bout du chemin et on n'a pas encore tout vu. Formuler un diagnostic public serait de plus dangereux dans une crise qui n'est pas du tout terminée.

Ce n'est pas pour me défiler, encore que j'aurais une raison particulière de ne pas répondre: les deux super gros calibres de la régulation française vont parler (mon Président Michel PRADA et le Gouverneur de la Banque de France) et vous saurez tout ce que je n'ai pas pu vous dire dans quelques instants !

Je dirai modestement deux ou trois choses.

Premièrement, il est, à mon sens, faux de dire que la crise, dans sa complexité, met en cause le modèle de régulation français en ce qu'il distingue la régulation prudentielle et la régulation financière.

J'ai plutôt l'idée inverse : le système français avec un pôle de marché et un pôle de régulation prudentielle et des participations croisées, si l'on peut, fonctionne assez bien et l'on a un dialogue très intense avec la Commission Bancaire, l'AMF, le Gouverneur ou le sous-gouverneur et les différents métiers de la banque et de la gestion d'actifs. On ne se sent pas en situation d'infériorité vis-à-vis de nos amis britanniques qui sont les thuriféraires du modèle unique qui a eu quelques petits dérapages ... je n'en dirai pas plus.

En revanche, il est évident que des choses seront à faire pour le régulateur de la gestion d'actifs. J'ai été extrêmement intéressé par votre remarque tout à l'heure, parce que je me suis senti un peu interpellé en tant que régulateur de la gestion d'actifs, (s'adressant à M. LITZLER) vous avez dit : "les banques sont obligées de révéler plus vite les provisions à passer que les sociétés de gestion". C'est peut-être apparemment vrai pour l'instant.

Cela demande à être un peu travaillé puisque, dans un premier temps, ce sont des sociétés de gestion qui ont fait défaut en supprimant les rachats de parts et les souscriptions de parts, mais des solutions ont finalement été trouvées et ce sont plutôt les banques qui, pour des montants beaucoup plus considérables, ont affiché des provisions à passer.

La société de gestion n'est pas dans une situation très facile parce que, certes, elle a peut-être un peu moins à provisionner dans l'immédiat que la banque, mais elle a à faire face à un risque de liquidité quasi-quotidien, alors que la banque, justement, est protégée par la taille de son bilan.

Aujourd'hui, n'importe quel gérant de SICAV monétaire « dynamique » en particulier ou monétaire tout court, sait très bien qu'il doit potentiellement la totalité de son argent à tous les souscripteurs. C'est d'ailleurs pourquoi ils ont des comportements assez prudents.

On a là un problème. Fondamentalement, je pense que le problème d'évaluation est le même. Une de nos tâches sera de nous assurer que les évaluations sont faites de la même façon dans les banques et dans le monde de la gestion d'actifs.

Je pense que nous aurons sans doute à préciser ce qu'il faut faire pour confirmer la confiance que, traditionnellement, le public français a dans la gestion monétaire, qui passe beaucoup par les sociétés de gestion d'actifs en France ; je ne vais pas développer cela ce soir.

Sur les méthodes de régulation, il n'y a pas de révolution à opérer. Il faut surtout mieux travailler, et «cent fois sur le métier remettre notre ouvrage », faire appel à la responsabilité des acteurs, avoir des modèles de contrôle du risque plus pertinents encore, avoir des scénarios de stress-test.

Il est absolument aberrant de voir - je crois que c'est Michel AGLIETTA qui l'a dit - 200 dettes, que l'on suppose indépendantes et, bien entendu, qui le sont en théorie. Quand vient un événement qui les rend dépendantes, on est en plein scénario de stress.

J'ai passé une année dans la régulation qui n'était pas sous la présidence de Michel PRADA mais sous celle de Jean-François LEPETIT qui est un homme de marché. Il l'a dit dans un livre et c'est une des choses qu'il m'a apprises : "la seule chose qu'il faut regarder, ce sont les queues de courbes, les situations extrêmes". Là, nous sommes en plein dans cette situation et c'est malheureusement la chose la plus difficile du monde à réguler.

Merci.

  • M. Christian MOUILLON

Nous avons terminé la table ronde. Je voudrais dire que nous avons été proactifs dans la gestion de la crise puisque nous avons rattrapé le temps, ce qui laisse du temps pour poser quelques questions.

  • M. Michel ROUGER

Questions, mais, s'il vous plaît, questions ! (Sourires.) Le régulateur va réguler.

Traditionnellement, qui pose la première question? Je vous préviens, je ne la poserai pas.

Je précise que, dans les deux ailes, comme j'ai un champ visuel restreint, que ceux qui posent question s'approchent de façon que l'on puisse voir et, surtout, nommez-vous s'il vous plaît !

  • M. Dominique DOISE

Une question suggérée par le propos de M. LAGAYETTE. Si j'ai bien compris, il y a eu transgression de règles fondamentales. La première des règles fondamentales en matière de crédit et de banque est de ne jamais prêter en considération de la seule garantie. La crise des subprime, n'est-ce pas cela au départ ?

  • M. Michel ROUGER

Je peux vous répondre parce que, curieusement, j'ai vécu ce que vous dites plusieurs fois. Je peux vous donner trente ans d'exemples de ce qu'il ne faut jamais faire : transférer la sécurité sur le gage en spéculant dessus alors que, pour le moment, on ne connaît pas de meilleure sûreté pour être payé que la solvabilité de l'emprunteur.

J'ai tout de même quelque quarante ans de risque de crédit derrière moi. Je peux vous assurer que ce qu'a dit le Président LAGAYETTE était plus qu'évident : chaque fois que l'on transfère sur le bien - et Dieu sait si j'ai récupéré des biens au Consortium de Réalisation ! - comme l'on dit simplement, « on se plante » !

  • M. Gérard RAMEIX

J'aurais une remarque complémentaire : le levier. Cela a aussi été dit dans la première table ronde.

Quand vous empilez différents niveaux d'emprunts, vous finissez par avoir un levier considérable. On a un paradoxe : un marché qui a dit « deleverage !, deleverage !, deleverage !», c'est le marché réglementé, après la crise de l'explosion de la bulle. Et, pendant ce temps, au fur et à mesure que les gens reprenaient le moral, en dehors des marchés réglementés, sur des marchés de gré à gré ou sur de nouveaux instruments, on a fait beaucoup, beaucoup de levier avec des taux d'intérêt très, très bas.

Comme on a maintenant trop de dettes et que les taux d'intérêt montent, on est dans la difficulté. C'est hyper classique ; cela fait partie du « manuel du parfait banquier » inventé au XIXe siècle.

  • M. Michel ROUGER

On gagne sur les agios et on perd sur le capital. Autre question ?

  • M. Michel GOUTULIER (Paris X-Nanterre)

Juste une question ; il y en a des milliers bien sûr. Pour revenir au cœur du débat de ce soir, les agences de notation, certains, certaines d'entre vous ont souligné la participation à la formation d'une opinion.

Ce qui interpelle un économiste, c'est de savoir s'il y a un marché de la notation. Il y aurait réellement un marché si des opinions concurrentes étaient proposées. Force est de constater assez souvent qu'il s'agit plutôt de l'élaboration d'un consensus et, dans ce cas, on peut s'interroger sur la limite de ce marché et la responsabilisation même des acteurs; je rebondis sur l'exposé de M. CONAC.

Peut-il y avoir responsabilité pour un acteur particulier si cet acteur a participé à un consensus ? Précisément, le consensus appartient à tout le monde. Voilà une interrogation.

  • Mme Barbara RIDPATH

Je prendrai la première partie de la question, mais je ne suis pas aussi certaine pour la deuxième.

Il est vrai que nous cherchons à avoir plusieurs opinions qui ne sont pas nécessairement identiques. Si nous avons trois opinions qui sont exactement les mêmes, deux sont inutiles.

D'un côté, on entend ces jours-ci des acteurs du marché dire qu'ils voudraient des définitions de notes qui soient exactement pareilles, des méthodologies qui soient exactement pareilles. Ils disent que les différences de méthodologie et de définition prêtent à confusion.

Par exemple, un de nos concurrents n'utilise pas la probabilité de défaut. Il utilise ce que l'on appelle la «perte anticipée » parce qu'il regroupe à la fois la probabilité de défaut et le montant de recouvrement anticipé. Leur méthodologie est un peu différente. Cela porte-t-il à confusion ou cela aide-t-il à donner des avis différents ? Je ne peux que laisser le marché décider.

Cette question est fort intéressante. Nous avons souvent des différences d'opinion, soit sur un secteur, soit sur un émetteur spécifique, soit sur un type de titre comme les hybrides, les quasi-fonds propres, et cela peut entraîner un traitement différencié de certains actifs par les agences. Il est vrai que seuls les mieux renseignés sont conscients de ces différences.

L'autre problème est la question des notes « non sollicitées » qu'en majeure partie, les autorités de tutelle n'aiment pas ! Si l'on donne une opinion que la société n'aime pas, ils ne la publient pas.

S'il y a une différence de consensus - normalement à la baisse, pas à la hausse -, c'est rarement publié parce qu'ils disent qu'ils ne voudraient pas utiliser cette note.

Cela pose un problème dans le marché : est-on obligé de publier une note sollicitée ou non ? C'est une bonne question.

  • M. Christian MOUILLON

Madame Gerst?

  • Mme Catherine GERST

Oui, c'est une très bonne question. Je répondrai par une autre question : des métiers ne se prêtent peut-être pas forcément à une concurrence forcenée.

Prenons par exemple le métier du contrôle aérien. Avez-vous envie d'une concurrence forcenée dans le contrôle aérien ? Ce n'est pas sûr.

Je peux vous dire aujourd'hui, puisque DBRS est une agence nouvellement arrivée en Europe - nous sommes souvent qualifiés de quatrième agence, il n'y a donc pas trois agences mais quatre -, que cela entraîne de la part des émetteurs, des arrangeurs et de certains intervenants une pression que l'on appelle entre nous le "rating shopping" qui est absolument extraordinaire, pour obtenir la meilleure note possible et ne publier que la meilleure note possible.

On parle souvent de cette question de la concurrence. Il faut plus de concurrence. D'abord, on voit que, quand il y a une agence en plus, il n'est pas aussi facile que cela de s'établir dans le marché alors que l'on croyait que l'on voulait de la concurrence.

Ensuite, dans ce type de métier, je ne suis pas certaine qu'il faille autant de concurrence que cela.

  • M. Michel ROUGER

Merci. Avant-dernière question.

  • M. Thierry DISSAUX, Groupe NATIXIS

Ma question s'adresse aux agences de notation.

On a vu dans le marché récemment des dégradations de notations extrêmement rapides, extrêmement fortes. On parle de notch : 5 notchs, 6 notchs, 7 notchs, parfois 11, je crois, pour le maximum (à vérifier).

J'aimerais savoir quelle appréciation les agences de notation portent sur ce type de performances ou de contre-performances et si elles ont l'intention -et de premières idées- pour modifier éventuellement leur méthodologie de manière que ce type d'événement ne se reproduise pas. Merci.

  • Mme Barbara RIDPATH

Il s'agit de la volatilité des notes, sujette à grands débats ces jours-ci de la part des investisseurs des émissions non titrisées qui, nous ayant dit pendant des années qu'ils n'avaient pas de subprime, voudraient que la note passe de, disons, AA+ avec une perspective stable à une perspective négative, peut-être par le biais des notch et, in fine, par les AA. Ils voudraient avoir autant de renseignements que possible sur notre raisonnement.

Nous avons de plus en plus l'impression que cette demande existe aussi dans la titrisation, mais il n'est pas aussi évident de le faire.

Il est vrai que, dans l'hypothécaire, en principe, cela devrait être possible ; mais là aussi, on parle de cette idée de granularité, puisque plus il y a des granularité, et plus il y a de progressivité dans le changement de note. Moins il y a de granularité, plus il y a de volatilité.

Je parle du cas d'une dégradation de 11 notchs, comme l'on dit c'était un SIV ; j'en suis parfaitement consciente. La documentation de SIV disait que si la valeur d'actif dépassait 80%, ils étaient obligés de liquider. C'était dans le contrat.

Là encore, on est dans un paradoxe : est-ce à nous de dire qu'il devrait y avoir ce niveau de rigueur sur la valeur d'actif pour protéger les actionnaires du SIV, ou pas ? On vérifie et, dans ce cas, c'était pour protéger les parts les mieux notées, pour assurer que la note AAA reste AAA. Les notes ont très vite perdu leur valeur pour protéger les parts mieux notées.

Ce n'est pas idéal, mais c'est une construction comme une autre. Je ne sais pas si l'on doit refuser de noter une telle construction auquel cas on devient vraiment autorité de tutelle. Ce n'est pas à nous de décider qui peut émettre et qui ne le peut pas !

  • M. Michel ROUGER

Merci. Dernière question ?

  • Un intervenant

Pour ne pas abuser, je vais poser ma question très brièvement, mais je peux la justifier plus longuement :

Ne convient-il pas de tenir compte du risque juridique dans certaines opérations, ce que ne font pas particulièrement les agences de notation ?

Qu'est-ce que le risque du crédit si, comme M. de VAUPLANE nous l'a dit, on n'arrive pas à comprendre certains contrats ?

Cela nous amène d'ailleurs à la question initiale de M. du MARAIS sur les systèmes juridiques : on voit bien que, peut-être, on ne prend pas suffisamment en compte et pas nécessairement en droit civil seulement, l'aspect juridique et la complexité du montage, l'illisibilité du contrat.

Que font donc les agences de notation pour intégrer cette dimension, alors même que ce n'est pas leur métier? Ne faudrait-il pas qu'elles le prennent davantage en compte, de manière peut-être moins biaisée, favorable au droit anglo-saxon et défavorable au droit continental ?

  • Mme Catherine GERST

Je crois justement que parmi les travaux auxquels se livrent les agences de notation en permanence, il y a l'analyse du risque juridique. Dans les agences de notation, des gens lisent les contrats, lisent les trois ou quatre cents pages de contrat dont on a parlé tout à l'heure ; ce sont parfois les seuls, à part les cabinets d'avocats, à les lire !

Ensuite, l'AMF avait d'ailleurs fait une recommandation à ce sujet que nous avions chez DBRS trouvé tout à fait intéressante et importante : dans certains cas, les agences de notation recrutent des cabinets d'avocats indépendants externes de façon à les aider dans des cas très particuliers, très précis et très difficiles, à évaluer la solidité d'un montage.

Je n'imagine pas qu'une agence de notation puisse noter AAA des parts prioritaires d'une opération de titrisation si le risque juridique n'est pas couvert.

  • M. Michel ROUGER

Merci. Le moment est venu de laisser le pupitre au Président PRADA, Président de l'Autorité des marchés financiers et Président du Comité technique de l'Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV)