Quel avenir pour les marchés de permis d'émission ?
Christian de Perthuis voit l'avenir s'assombrir pour les marchés de permis d'émission de gaz à effet de serre, en particulier après le retrait des États-Unis du protocole de Kyoto.

A la suite du retrait des Etats-Unis, la mise en oeuvre du protocole de Kyoto destiné à combattre le réchauffement climatique est désormais subordonnée à la ratification de la Russie. Forte de sa position d'arbitre, cette dernière envoie des messages contradictoires. L'un des points les plus novateurs du dispositif de Kyoto est la mise en place d'un système international d'échange de permis d'émission des gaz à effet de serre. Dans le scénario d'un "adieu à Kyoto", va-t-on dès lors renoncer à l'outil du marché des permis d'émission ?

Ce nouvel instrument constitue une innovation dont l'intérêt est de concilier fixation d'objectifs environnementaux ambitieux et incitations économiques responsabilisant l'entreprise : pour les industriels, le prix du marché représente le coût marginal de la tonne évitée, ce qui permet aux entreprises les plus à même de réduire leurs émissions de valoriser leurs quotas en excès en les vendant à des firmes moins performantes.

Les émissions de gaz à effet de serre ont toutes les chances d'avoir demain un prix fixé par le marché. L'Union européenne projette d'ouvrir le premier marché international des permis d'émission de carbone en janvier 2005, qui aura une couverture nettement plus large que ceux de Londres et de Copenhague. Du côté américain, l'opposition de l'Administration Bush au dispositif de Kyoto s'inscrit dans une hostilité plus large à l'égard du dispositif multilatéral de l'ONU. Reste que, sur le terrain, les Etats-Unis sont également en train d'organiser un marché des permis d'émission de gaz à effet de serre à Chicago, dont les promoteurs prévoient un élargissement ultérieur à l'international.

Cette marche dispersée risque cependant de ne pas intégrer correctement les pays du Sud. Du fait de leur croissance accélérée, les économies émergentes pèsent de plus en plus dans les nouvelles émissions de gaz à effet de serre. Il y a donc urgence à trouver des incitations économiques pour freiner ces émissions. Par ailleurs, le dispositif des permis d'émission, à condition d'être correctement paramétré, permettrait de drainer des ressources supplémentaires vers les pays moins avancés.

Cette "invention" du permis d'émission n'est-elle pas un bel exemple de judicieuse combinaison entre régulation et jeu du marché ?

Pour plus de détails, cf. Ch. de Perthuis "La génération future a-t-elle un avenir ? ", aux Editions Belin.