Pour un Droit Créateur de Valeur
Xavier de Kergommeaux critique l'adoption de nouvelles lois en réaction à des événements négatifs, sans analyse approfondie de leurs conséquences. Il plaide pour une approche plus pragmatique qui tienne compte de l'intérêt général économique et du coût de la destruction de valeur.

Chaque pays doit s'interroger sur sa capacité à générer et à faire évoluer un droit créateur de valeur. A cet égard, l'arsenal législatif et réglementaire de notre pays mérite réflexion.

Certains textes s'inscrivent dans ce qu'on pourrait appeler, selon le cas, « le syndrome de l'enfant violé » ou, à l'inverse, « le syndrome d'Outreau » : les réactions sont unanimes face au viol d'un enfant par un pervers récidiviste, et beaucoup reprochent alors aux politiques que l'arsenal législatif ne permette pas de prévenir un tel forfait. L'indignation est tout aussi générale pour exiger, en sens contraire, que des individus ne soient pas broyés par la machine judiciaire, lorsqu'ils sont finalement jugés innocents des crimes qui leur étaient reprochés. Dans les deux cas, les politiques sont tentés d'adopter de nouveaux textes, avec l'illusion qu'ainsi, rien de tel ne se reproduira plus... !

Sommes-nous mieux lotis lorsqu'il s'agit de droit des affaires ? Chaque faillite retentissante, a fortiori frauduleuse et internationale, incite les pouvoirs publics à adopter de nouveaux textes. En pratique, ce nouvel arsenal n'empêchera pas les escrocs de « partir avec la caisse », mais compliquera sensiblement le fonctionnement quotidien de toutes les entreprises. La France n'a certes pas le monopole de ces lois destructrices de valeur. Certaines dispositions de la loi Sarbanes-Oxley, aux Etats-Unis, sont pénalisantes pour les entreprises. Mais les erreurs législatives et réglementaires mettent beaucoup plus longtemps, chez nous, à être corrigées, lorsqu'elles le sont.

La jurisprudence, elle aussi, génère un décalage évident entre les décisions judiciaires et la pratique des affaires. Certains arrêts, parfois rendus « contra legem », ouvrent la voie à des années d'incertitudes juridiques. Des revirements de jurisprudences établies ont de lourdes conséquences pratiques, et entraînent une destruction de valeur. Une jurisprudence qui privilégie systématiquement les entreprises en faillite est aussi inepte qu'une politique de défense nationale qui s'appuierait sur la restauration de la ligne Maginot !

Plaidons pour que le législateur, le régulateur et le juge appliquent à leurs travaux la « théorie du bilan »

et se posent systématiquement la question : notre décision est-elle conforme à l'intérêt général économique et, si ce n'est pas le cas, l'objectif poursuivi par cette décision est-il proportionné à la destruction de valeur qu'elle entraîne ?