L'Europe éternelle
Michel Retrace les caractéristiques persistantes des trois grandes puissances européennes - Allemagne, Angleterre et France - et leurs impacts sur l'avenir de l'Europe. Il explore comment les divergences profondes entre ces nations, malgré leur histoire commune, menacent la cohésion et la stabilité du continent.

Au cours du déjeuner précédant l'écriture de ce papier, avec la jeune ambassadrice d'un pays du moyen orient, nous avons évoqué la France éternelle, amitié séculaire oblige. Elle avait regardé l'émission sur l'appel du 18 juin 40. Elle connaissait la parole du Général « J'arrivais au moyen orient compliqué avec des idées simples ». La tonalité de notre entretien m'a fait penser qu'elle découvrait une France compliquée avec ses idées simples. D'où le passage par l'Europe éternelle.

Au début du siècle dernier, la meilleure représentation de l'Europe tenait en 1 phrase «  Les Allemands sont des factionnaires, les Anglais des actionnaires, les Français des fonctionnaires » Qu'y a-t-il de changé ? Rien !

Les Allemands, unis sous la férule des prussiens, rêvaient de conquêtes après qu'ils aient accompagné les Anglais et les Austro Hongrois dans les deux guerres napoléoniennes du début et de la fin du 19ème siècle. Ils se préparaient à la lutte armée conquérante. Ils mettaient leurs fusils en faisceau. Pratique militaire qui a inspiré le fascisme des années de plomb qui a produit tant de ravages en Europe.

Aujourd'hui leur soif de conquête n'est plus étanchée par les invasions militaires. Elle est satisfaite par la conquête des marchés de consommateurs. Les faisceaux sont devenus des réseaux d'entreprises, les armes dominatrices, la qualité de leurs productions, la rigueur dans l'organisation, l'effort dans la réalisation.

Les Anglais, hier comme aujourd'hui, sont des actionnaires, toujours aussi présents dans ces fameux «  marchés » où ils ont installé leurs échoppes qui offrent tous les produits d'argent, du plus solide au plus gazeux, voire au carrément toxique.

Les Français étaient fonctionnaires avec d'exceptionnels ingénieurs formés à Polytechnique, capables des plus belles réussites industrielles. Ils n'ont pas changé, sauf que, grâce à l'école nationale d'administration les prouesses administratives ont étouffé les industrielles, avant de commencer à ruiner tout le monde.

Ce vieux monde occidental compliqué avait pris pour habitude de régler, temporairement, ses problèmes par les multiples guerres qu'il se faisait entre deux des innombrables traités qui ont jalonné son histoire. Il ne le peut plus. Les dernières ont atteint un tel niveau d'horreurs qu'un break de 65 ans a été déclaré.

Mais les divergences ont maintenant atteint un niveau difficile à gérer. Les Allemands sont de plus en plus conquérants industriels rigoureux, les Anglais marchands financiers égoïstes et intéressés, l'esprit fonctionnaire des Français rejette, plus que jamais, les contraintes de l'économie et de l'argent qui perturbent leur modèle social, comme les efforts de la compétition industrielle qui contrarient leur mode de vie. Ces divergences, comme les termites, détruisent lentement le bâtiment européen qui abrite ces trois peuples auxquels se sont ajoutés leurs voisins et leurs problèmes.

Il ne faut pas s'étonner que l'étranger qui nous aime bien nous trouve compliqués.