Les Marchés de l'Audiovisuel : Créateurs, Producteurs, Pirates
Les marchés de l'audiovisuel sont en pleine mutation technologique, bouleversant leurs équilibres traditionnels. La numérisation et l'internet ouvrent de nouvelles perspectives, mais l'économie et la régulation de ce secteur restent à définir. PRESAJE s'est penché sur cette question lors de sa troisième réunion.

Les marchés de l'audiovisuel sont en pleine mutation technologique, bouleversant leurs équilibres traditionnels. La numérisation et l'internet ouvrent de nouvelles perspectives, mais l'économie et la régulation de ce secteur restent à définir. PRESAJE s'est penché sur cette question lors de sa troisième réunion.

David EL SAYEGH

L'évolution des modèles économiques des industries musicale et audiovisuelle est étroitement liée aux conditions de production et de diffusion des oeuvres.

Ainsi, justifie David EL SAYEGH, l'édition phonographique, fondée sur la reproduction en nombre, fonctionne-t-elle selon un système de reversement direct des droits. Dans la télédiffusion, la gestion collective s'est imposée comme le mode d'exercice des droits : les auteurs se rémunèrent à la source sur les recettes des chaînes de télévision, qui "puisent" dans le répertoire des sociétés d'auteurs pour constituer leurs programmes.

L'Internet remet en cause cette capacité du droit d'auteur à adapter ses modalités d'exercice. La gestion collective se heurte à des systèmes tels que le "peer-to-peer", lesquels, rendant possible une diffusion à grande échelle des oeuvres, remettent en cause les équilibres auxquels les sociétés de gestion collective et les utilisateurs étaient parvenus. Seuls les fournisseurs d'accès et d'hébergement bénéficient aujourd'hui de ces exploitations illicites.

Il est donc nécessaire de revoir les principes de responsabilité encadrant l'activité de ces opérateurs. Mais qui dit nouvelles règles dit juste rétribution des auteurs dans un marché bouillonnant en constante évolution. Bref, il nous faut construire un droit de l'audiovisuel.

Fabrice PATTI

Fabrice PATTI rappelle que, jusqu'à une période récente, le paysage audiovisuel se composait d'un grand nombre de titulaires de droits dispersés, face à quelques diffuseurs.

La situation s'est désormais inversée. Les détenteurs de droits se sont organisés, rassemblés autour de groupes de communication souvent plus puissants que les diffuseurs. Dans le même temps, les moyens de diffusion se sont multipliés.

Désormais, les diffuseurs sont pris dans une tenaille : ils doivent être compétitifs sur un marché de plus en plus "inflationniste" ! En outre, ces efforts financiers toujours plus importants leur imposent d'être extrêmement vigilants dans la protection de leurs droits exclusifs.

Le cas des droits sportifs est exemplaire : produit fédérateur, le sport a vu le montant de ses droits s'envoler ces dernières années.

Parallèlement, les conflits se sont multipliés et la paix incarnée par un code de bonne conduite signé par les chaînes a été rompu, il y a quelques années, avec l'arrivée de nouveaux acteurs.

Au coeur des enjeux, par exemple, la notion de "courte citation" soulève des questions économiques importantes, parce qu'elle remet en cause de facto des exclusivités ayant fait l'objet d'investissements faramineux : quel est le sens du droit de citation dans le cas d'un combat de boxe qui s'achève en trente secondes ?

Benjamin MONTELS

Pour Benjamin MONTELS, l'essor de l'Internet se heurte aujourd'hui à trois obstacles principaux :

  1. le développement de l'utilisation illicite des oeuvres, le piratage, dont on connaît les méfaits, mais dont le mérite est de montrer aux auteurs, aux producteurs et aux diffuseurs - les trois maillons de la chaîne - que leurs intérêts sont en grande partie communs

  2. la lenteur des débits et la mauvaise qualité de l'image ; paradoxalement, cet obstacle technique est une chance pour les acteurs de l'audiovisuel car il freine l'extension du piratage

  3. l'absence d'un véritable modèle économique, comme il en existe pour la salle de cinéma, la vidéo ou la télévision.

Avec le développement de l'Internet, il reste à imaginer le système qui permettra d'y exploiter au mieux la création. La construction de cette économie sera confrontée à plusieurs difficultés spécifiques :

  1. la mise à mal de la notion d' "exclusivité" sur l'Internet, sur laquelle est fondée toute l'économie de l'audiovisuel et sans laquelle les diffuseurs refuseront de financer les oeuvres

  2. le contrôle de l'usage des oeuvres sur l'Internet, dans les limites du respect de la vie privée

  3. la préservation de mécanismes à visée culturelle, comme la "chronologie des médias", à l'heure où un site web américain peut distribuer un film avant même qu'il ne soit diffusé dans les salles françaises...

Dans cette construction, le mot-clé doit être "conciliation" : conciliation des modèles anciens de l'audiovisuel avec les particularités de ce nouveau marché.