C'était inévitable dans un pays où, comme le dit si bien le philosophe Yves Michaud, on fait une loi dés qu'un âne fait un pet. Dorénavant, il faudra empêcher les malfaisants de maltraiter leur environnement naturel, comme il faudra punir les mal disants qui maltraiteront leur environnement homosexuel. Très bien.
L'association de ces deux éléments de l'actualité, permet de marquer la différence entre la sanction empêchement née de l'application d'un principe, et la sanction punition, née de celle de la loi.
Autant on peut faire une loi qui punit sur la base d'un fait certain qu'elle définit, d'une procédure codifiée, d'un jugement qui respecte l'une et l'autre, enfin d'une sanction appréciée par les juges.
Autant il est impossible de sanctionner quand le fait est manifestement incertain, douteux, hypothétique, « en l'état des connaissances », donc indéfini par nature.
Or, « l'Autorité » va sanctionner, au motif de son devoir d'empêchement, toute défense contradictoire étant, à priori écartée, de l'instant où elle repose, par définition, sur l'acte ou le fait incriminés, dont l'incertitude des conséquences justifie, tout aussi à priori, la sanction entreprise. Après quoi, « l'Autorité » verra sa décision soumise à l'appréciation d'un tribunal. Etat de droit oblige.
Ce tribunal, administratif ou judiciaire, brisera-t-il la liaison séculaire entre la preuve du dommage, le lien de causalité avec l'acte incriminé, et la sanction ?
Fera-t-il des conséquences du danger, malgré leur incertitude reconnue, une certitude dogmatique imposée par le nouveau principe constitutionnel ? Allons nous vers une juridiction du troisième type, le tribunal de l'incertitude ?
Il faudra bien répondre à ces questions de base. On connaît le pourquoi, préserver Dame nature, il faut savoir, pour bien éclairer la réflexion : pour qui, ou, quand et comment ?
POUR QUI : tout le monde. L'obligation est issue d'un principe constitutionnel, loi suprême, dont l'application est impérative, même si elle repose sur l'incertitude, concept dont il y a autant d'expressions que d'individus sur terre. Ainsi nous sommes tous concernés et invités à ne pas laisser cette obligation sans effet, à charge des autres et à notre profit, évidemment.
OU : partout, en France, car on voit mal quelle autorité française, même si celui qui la saisit est réellement victime d'une atteinte de son environnement, sanctionner les auteurs étrangers , centrales nucléaires, industries asphyxiantes, généticiens qui transforment les viandes et les végétaux de notre nourriture, en cachette.
QUAND : tout le temps évidemment, tant que l'incertitude ne sera pas levée par les savants et les experts , lorsqu'ils verront, un jour, leurs certitudes reconnues, par leur réhabilitation, comme Galilée, 350 ans plus tard.
COMMENT : nous arrivons à l'essentiel. L'application du principe de précaution, comme l'action politique qui l'inspire, sont des arts qui ne seront que d'exécution, dans tous les sens du terme. Autant le savoir, et commencer à débattre avec énergie des conditions dans lesquelles tout le monde, n'importe où, n'importe quand pourra saisir une Autorité, et le tribunal qui contrôlera sa décision .
Nous vivons une époque qui voit la foi religieuse, réputée soulever les montagnes, remplacée par la foi naturaliste qui interdit qu'on y touche. A quand le onzième commandement des nouveaux croyants :
« Précaution tu prendras, en tous endroits, à chaque instant »
Le principe paraissant acquis, il reste à imaginer comment le mettre en application. Prochainement, les murs épais de l'Abbaye aux Dames de Saintes, vont résonner de la virulence des échanges sur le comment de l'application du « principe » par le juge « saisi ».
Espérons que le juge ne sera pas saisi d'effroi face à la tâche et aux responsabilités qui vont mettre son imperium en difficultés.
Peut on suggérer qu'il soit saisi par l'angoisse.
Le principe est qu'il faut protéger la nature de la malfaisance de l'espèce humaine. Est on certain qu'il ne faille pas encore inventer et prendre des risques, malgré les incertitudes, pour protéger l'espèce humaine contre la malfaisance de la nature ?
A moins de considérer que le pet d'un âne, sur le plateau du Larzac, suffit à faire vaciller l'axe de la terre, avec la même intensité que l'horrible séisme de Sumatra, et à condamner lourdement l'ânier qui n'a pas pris la précaution de l'empêcher .