Le Management Autrement
Xavier Lagarde nous parle du désenchantement des cadres et ingénieurs, victimes de la financiarisation des entreprises et de la fracture salariale. Il appelle à une réflexion sur les principes permettant de fédérer les aspirations individuelles et la réussite des projets collectifs, en rétablissant la cohérence entre l'investissement humain et le retour sur cet investissement.

La crise financière, la faillite de l'Etat providence qu'elle amplifie, les bouleversements géopolitiques qu'elle annonce, alimentent une prose d'une teneur macroéconomique, au moins à titre principal. Pourtant, il n'est de richesses que d'hommes et, probablement en va-t-il de même des pertes. Pour effacer ces dernières, il faudra donc bien que, euro ou pas euro, G7 ou G20, Chine, Inde ou USA, les individus se mobilisent.

C'est peu de le dire, la partie n'est pas gagnée. Le cas des cadres, petits ou grands, moyens ou supérieurs, est à cet égard emblématique. Ils sont la cheville ouvrière de nos réussites collectives. Pourtant, une étude récente nous apprend que 55% des personnels de l'encadrement intermédiaire n'attribuent plus aucun crédit au discours de leur entreprise et qu'à l'inverse, ils ne sont plus que 43% à déclarer un attachement à leur entreprise (étude réalisée pour l'Institut de l'entreprise).

La fracture de l'encadrement

Qu'il est aisé de les comprendre ! Voici 20 ans qu'ils assument seuls la charge de travail d'une Nation qui se repose, qu'ils le font, qui plus est, pour des rémunérations modestes, qu'au surplus ils supportent des prélèvements obligatoires record, qu'enfin leur niveau de vie repose bien souvent sur les soutiens familiaux de leurs ascendants.

Plus grave, au désenchantement s'ajoute l'amertume. Les cadres et les ingénieurs ont constaté que la financiarisation des économies gagnait progressivement leur entreprise, que les top managers devenaient les porte-voix des actionnaires, et qu'à vouloir la congruence entre travail et capital, on creusait, lentement mais sûrement, la fracture salariale.

Sans doute faudra-t-il renoncer à cette illusoire congruence. Que les salariés soient rémunérés à la hauteur de leur engagement personnel et non pas en considération d'investissements financiers qui ne sont pas les leurs et qu'ils ne maîtrisent pas. Qu'ainsi la cohérence soit rétablie entre l'investissement humain et le retour sur cet investissement. En tout cas, s'il n'y a pas de recette miracle, il est temps de réfléchir à nouveau aux principes qui permettent de fédérer les aspirations individuelles et, conséquemment, la réussite de projets collectifs, parmi lesquels ceux de nos entreprises. Cela s'appelle le management. A nous d'en esquisser l'avenir.