La France traverse une période troublée, faite de profonde émotion, à la suite de l'agression sanguinaire dont Paris a été victime, et de grand désarroi, face au déclassement social d'une partie de son peuple qui se sent de plus en plus abandonné depuis 40 ans. Elle renvoie à début 2017, le débat sur les solutions.
Depuis 40 ans, 1977, dernière année budgétaire positive avant l'entrée de l'Etat dans 4 décennies de déficits parfois abyssaux et paralysants, les Princes charmants de nos palais des bords de la Seine, de l'Elysée à Bercy, qui ont entrepris de réveiller la belle endormie n'y ont pas réussi. Pour la majorité des Français cette plaie d'argent n'est pas mortelle, du moins tant que les intérêts payés aux créanciers sont au plancher. Pour eux la solution rêvée est ailleurs.
Depuis 40 ans la France a perdu ses frontières. Dans son tréfonds elle ne l'admet pas, tout en étant convaincue qu'elle ne peut pas y échapper. Il faut le comprendre au pays des châteaux forts, des bocages, des murs et des murets, des querelles de parcelles et de bornage, de l'impôt sur les portes et sur les fenêtres, de la ligne Maginot, de la ligne de démarcation, du mur de l'Atlantique, des barrages et des barricades. Les Celto-Gaulois, définition des Français par leurs amis Anglais, ont un besoin impérieux de se diviser furieusement pour mieux s'enfermer au village d'Astérix et d'Obélix.
Depuis des siècles, le territoire sur lequel « nos ancêtres les Gaulois » sont installés, est un open space qui attire les migrants du nord vers le sud, de l'est vers l'ouest, et plus récemment, du sud vers le nord. L'actuelle bouffée de colère, récurrente et passéiste, qui fait rêver au bon vieux temps de la zone libre de Vichy, n'a d'autre but que faire des lois pour que l'avenir ne remplace pas le passé. La France adore les révolutions - restaurations qui remplacent les institutions défaillantes.
En attendant 2017, il faudra que les hommes et les femmes responsables expliquent, à la place des politiques inaudibles, ce qu'est le « Sans frontières » dans le monde transformé par les innovations technologiques que les peuples ont intégrées dans le changement de leurs comportements. Ce petit texte destiné aux femmes et aux hommes de loi et de justice y est consacré.
Le Droit et la Justice sans Frontières
Les réflexions publiées dans cet article sont extraites d'un ouvrage d'analyse, entrepris il y a 18 mois, pour éclairer les prochaines évolutions de l'institution judiciaire française, une fois passée l'étape de haute montagne de 2017. Ces extraits sont articulés en trois chapitres résumés. Ils traitent de l'abolition des frontières, de ce qu'elle imposera aux gens de robe, juges et juristes d'aujourd'hui, comme jadis l'abolition des privilèges à leurs ancêtres des parlements.
Revenons en 1977, Alain Peyrefitte, le visionnaire, est Ministre de la Justice. Il vient de publier le « Mal Français », qui n'a toujours pas quitté l'hexagone, avec ou sans frontières. L'organisation de la Justice, telle que gravée dans le marbre de la constitution de 1958, simple autorité divisée entre ses deux ordres, l'administratif et le judiciaire, respecte le triptyque républicain. La Nation rassemble le Peuple à l'intérieur de ses frontières, le Peuple fait la Loi par ses représentants, L'Etat la fait appliquer par ses services extérieurs que sont les cours et les tribunaux, au sein desquels opèrent les fonctionnaires à statut spécial du corps des magistrats formés à l'Ecole de l'Etat. Les juges régulent les échanges économiques, financiers et culturels.
Après le prononcé de ce très banal rappel, on serait tenté de dire « fermez le ban » comme à la fin de la sonnerie aux défunts, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Que s'est il donc passé en 40 ans qui aboutit à des bouleversements que la société ressent fortement, au point d'exprimer le malaise sociétal et politique actuel ? Pour répondre il faut extraire de ces 300 pages de réflexions, non encore publiées, celles consacrées aux domaines les plus sensibles dans lesquels la Nation a perdu ses frontières.
L'abolition des frontières dans la production industrielle, la consommation marchande, et dans les relations individuelles et intimes.
La décennie 80 a débuté par la décision de reprendre au marché toutes ses grandes entreprises industrielles, commerciales et financières pour les confier à l'Etat, devenu administrateur du patrimoine productif d'un pays fermé, protégé par sa langue. La décennie 90 a tout rendu au marché à domination anglophone. La décennie 2000 a mis l'Etat, sur endetté, sous la dépendance des mêmes marchés opérant, au profit des plus forts, dans un espace mondialisé, sans protection des plus faibles. Ces têtes à queue ont envoyé l'industrie française au fossé, avant de la mettre à la casse.
Ce marché, dorénavant globalisé, agité jusqu'à l'hystérie financière de 2008, par les gigantesques puissances commerciales des marketeurs nord-américains a attiré, sans espoir de retour, les consommateurs envoutés par les technologies séduisantes, confortables, créatrices de la révolution numérique et de ses « petites poucettes ». Les marketeurs commencent à se rendre compte qu'il faut accepter, en tous domaines, la renaissance du Droit, seule garantie pour assurer le vivre ensemble.
Enfin, la culture basique du peuple a trouvé son bonheur dans la relation au sein des réseaux planétaires, temps, distances et valeurs abolies, symboles d'appartenance à un modèle de liberté, d'égalité et de fraternité dont le virtuel fait oublier le factice, cachant la réalité d'une révolution numérique, celle d'une économie sans croissance périlleuse pour les finances publiques françaises .
Qu'ont fait le Droit et la justice, maîtres des lieux à l'intérieur des frontières abolies, dans cette situation caricaturée par la célèbre formule de la vulgate marxiste du « renard libre dans le poulailler libre » ? Pas grand-chose qu'on puisse leur reprocher. Ni les juristes, ni les juges, en France, n'ont compris un seul instant quels seraient les effets de la suppression des frontières sur leurs professions et sur leurs offices, dans un pays installé dans une incurie politique, enfin reconnue par ceux qui en sont les auteurs. Le temps est venu de cette renaissance du Droit qui appartient aux juristes.
L'abolition des frontières dans la création de la Loi, de la jurisprudence et de la doctrine
La France, pays de grands juristes, a toujours su ce que représentaient ces trois éléments du droit positif, piliers de l'Etat de droit. Or, doucettement, l'origine et la forme de la loi ont évolué. La Loi est devenue plurielle, divisible, métissée, au sein d'une République qui se veut une et indivisible, et qui a, de plein gré, accepté de faire vivre le contrat républicain passé avec le citoyen selon une succession d'avenants communautaires qu'il suffisait de transposer à défaut de les avoir proposés.
La transposition des textes européens, mode législatif transfrontière, majoritaire au sein des lois Françaises, se fait par ordonnances du gouvernement, ratifiées par le Parlement sans débat conclusif. Le contrôle, récent, des budgets des Etats soumis au pacte de stabilité ajoutera à l'interrogation du citoyen, qui sera invité à donner sa contribution à la recette collective comme une taxe répartie par des contrôleurs extérieurs.
Pour bien comprendre le coté cocasse de l'histoire il faut revenir 60 ans en arrière.
En 1955, la révolte poujadiste qui conduira plus de 50 députés à l'Assemblée élue en 1956, est née d'une taxation autoritaire de contrôleurs fiscaux, sur les recettes supposées de boulangers pâtissiers réputés fraudeurs. On sait jusqu'où cette révolte, aggravée par les convulsions de la guerre d'Algérie, a mené la France. Au bord de la guerre civile évitée de justesse par la mort de la 4ème République.
Revenons à nos lois. La longue tradition parlementaire française a pu vérifier que le processus de maturation des lois durables et appliquées appartient au long terme. Cette observation, légitimée par les aspirations des citoyens, s'oppose aux pratiques nées de la substitution de lois prêtes à voter, issues des travaux communautaires, aux lois votées après maturation d'un long débat national. Tout cela entraine une absence de synchronisation entre le pouvoir normatif du décideur européen et le pouvoir exécutif des gouvernements nationaux.
Ce phénomène doit être mis en perspective en ce qu'il brouille le rôle du juge. L'instabilité législative affecte son travail, le rend opaque, incompréhensible aux yeux du justiciable duquel on ne peut pas exiger qu'il soit édifié sur les tenants et aboutissants des traités communautaires et de leurs conséquences sur son affaire.
Au surplus, le juge national, ancienne « Bouche de la loi » de la constitution de 1958 est confronté aux difficultés d'interprétation de la loi déformée par une double perte de repères. A l'extérieur, ce sont ceux disparus avec la superposition des décisions de constitutionnalité nationale et de conventionnalité européenne. C'est compliqué mais en retenant sa décision, au risque d'agacer les plaideurs, le juge sait faire.
L'abolition d'une frontière intérieure, celle qui séparait la loi existante de sa validité originelle, par la question prioritaire de constitutionnalité ajoute une incertitude dans la valeur des lois, dans la nature et la portée du contrôle. En pareil cas le juge devrait trouver secours auprès de la doctrine pour conforter sa jurisprudence. Hélas, qu'elle soit nationale ou européenne, la doctrine, qui a besoin du long temps de la réflexion documentée est plus troublée que toute autre par les abolitions de frontières qui se sont conjuguées depuis le début du 21ème siècle.
L'abolition des frontières et le rôle des cours et des tribunaux de l'ordre judiciaire.
Le choix fait de résumer plusieurs chapitres de l'ouvrage d'analyse, duquel sont tirés ces extraits, en entraine un, arbitraire, de les classer selon les règles usuelles, chez les juristes, de la compétence, le lieu, la matière, la personne.
Les lieux de formation des engagements et de traitement des litiges qu'ils entrainent.
Dans le secteur de la consommation de masse, une grande partie de la population, spécialement les moins de 50 ans, ont pris l'habitude des échanges transfrontières réalisés sur internet, les sites et applications qui y foisonnent, accessibles par les moteurs de recherches américains, selon des modèles juridiques qui leurs sont propres. Les engagements qui y sont souscrits laissent le minimum de traces sur la succession des opérations et l'accumulation des opérateurs mis en œuvre.
Revenons à 1977 lorsque l'acquéreur d'un beau livre de collection pour un cadeau de Noel allait l'acheter chez son libraire favori. S'il se posait par la suite un problème de brochage qui se transformait en litige, il était facile de le plaider. La même acquisition chez Amazon, aujourd'hui, affectée du même problème, sera plus compliquée à traiter si le vendeur ne résout pas le litige à l'amiable. Autant à raison du coût pour le demandeur, que de la complexité et des incertitudes contractuelles. Les actions de groupe, leurs objectifs de transaction, forme judiciaire de la consommation de masse, peu familières de la culture juridique Française, contournent le juge.
Dans les secteurs industriels et commerciaux de l'économie marchande globalisée la domination des méthodes et de la langue des Anglo saxons, ont généralisé la pratique des conflits transigés ou arbitrés selon des attributions de lieux et de droit pré souscrites qui écartent le juge national.
Dans le secteur des opérations financières, la domination de la monnaie américaine, ajoutée aux méthodes et à la langue ont simplifiés les débats. Leurs tribunaux se sont approprié les litiges en s'attribuant une compétence de lieu, pour toutes opérations libellées en dollars, quel que soit le lieu de sa réalisation. Le juge national est out.
La matière des conflits soumis au juge national.
Personne ne peut nier que les plus importantes dispositions d''abolition des frontières ont été mises en œuvre, par l'État, après l'échec du référendum de 2005. Elles ont transformé les rapports de l'économie de marché avec les tribunaux de l'ordre judiciaire. Lorsque l'économie était administrée par l'Etat, les juges n'y mettaient pas le nez. La loi de tout le monde ne s'appliquait pas à l'Etat.
Lorsqu'au milieu des années 80 a été préparé le retrait de l'Etat par les dénationalisations et le « big bang » de Bercy, l'administration a voulu garder la main sur l'économie restituée aux marchés, par la mise en place d'un système de Régulation. Il l'a fait en multipliant les autorités administratives indépendantes qui se sont attribué des compétences étendues sur les matières confiées aux juges.
Comme un malheur n'arrive jamais seul, l'orientation naturelle des opérateurs de marché vers les pratiques du monde anglosaxon dominant, le traitement, par les juges, de la sanction, en toutes matières, civiles et commerciales, a cédé la place aux solutions de médiation, de conciliation et d'arbitrage, préférées à celle du jugement.
Enfin le développement d'opérations de très haute technologie, effectuées par des algorithmes et des automates, ont rendu certaines opérations suffisamment inaccessibles au cerveau humain, pour que la matière de leurs conséquences, échappe aux juges.
Cette transformation de la matière civile dans la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire, peu sensible parce que progressive, a orienté leurs rôles vers le domaine pénal, matière qui enferme le juge dans un triangle de contraintes insupportables, l'émotion populaire, les empiètements des médias, la manipulation de l'institution soit par l'une, soit par les autres.
La personne du justiciable
Dans un pays fermé au sein duquel chacun est identifiable, l'abolition des frontières a tout bouleversé. Pour faire simple, cet extrait n'évoquera que 3 sujets.
La naissance d'une population de sans-papiers, aux papiers, volés, faux ou usurpés qui fait quotidiennement la une des médias, d'autant plus qu'ils nourrissent, à défaut d'être nourris eux-mêmes, les chroniques judiciaires, administratives et politiciennes.
La naissance, au sommet de la pyramide sociale mondiale, de grands responsables de l'économie de la finance ou des ONG, de personnes titulaires de plusieurs nationalités, des passeports qui vont avec, et des lieux de résidences déconnectés de ce qu'ils sont et de ce qu'ils font. Avec le privilège de mettre leur patrimoine à l'abri des juges nationaux, et leurs actes à l'abri de leurs regards s'ils représentent des structures ou organismes non identifiables.
L'affirmation d'un concept de Droits de l'homme, importé par l'abolition des frontières, qui se superpose aux dispositions du droit national en obligeant les magistrats des deux ordres, à accumuler les précautions pour ne pas s'exposer, par des décisions maladroites, à la censure exigée par des défenseurs dont l'essentiel des moyens sont fournis par des organismes transfrontières.
La conjugaison de ces évolutions ont conduit les Etats à se défier de leurs systèmes judiciaires et à s'orienter, par le renseignement, vers le traitement administratif de certaines formes de criminalité.
Conclusion
Au terme de ce triptyque Economie, Droit, Justice quelles conclusions tirer ?
Il est exact que le peuple français a un problème avec l'abolition des frontières de son Hexagone. On peut admettre que les oppositions au modèle ouvert, antérieures à la révolution numérique et à l'arrivée de plusieurs milliards d'ordinateurs personnels à connexion planétaires, depuis 2007, ont fait rêver au retour au bon vieux temps. Il faut l'aider à comprendre que ces rêves sentent le cauchemar.
On ne voit pas comment les petites poucettes d'aujourd'hui, qui ne peuvent pas vivre sans le lien permanent avec l'humanité numérisée accepteraient de ne plus regarder leur écran pour revenir vivre à l'abri du clocher de la force tranquille qui s'est installée au pouvoir sans vision du lendemain.
On ne voit pas plus comment ignorer les dégâts de l'abolition des frontières sur trois populations.
Celle, jeune, que l'ouverture faite, à leurs parents, au temps des 30 glorieuses, pour rejoindre un pays attractif, dont la communauté nationale n'était pas prête aux efforts de leur intégration. Celle des 2 générations, parents et enfants, ravagés par le brutal déclassement de l'industrie française gérée en dépit du bon sens par l'Etat bureaucratique des années 80. Celle des ruraux, âgés, des villages et des cantons, les grands parents oubliés par les Bobos parisiens de la cour du Roi en 2000.
Il semble que la classe politique découvre, lentement, que le chômage n'est qu'une seule partie des 3 problèmes, qui affecte chacune des 3 populations, depuis plus de 30 ans, avec l'excuse, typiquement française, résumée, il a plus de 20 ans par la célèbre formule « le chômage, on a tout essayé ». C'est faux ! La formation des jeunes et des adolescents, comme l'aménagement du territoire ont été négligés, pour ne pas nuire au clientélisme politique et à la distribution des prébendes. C'est pourtant par la que passe la solution qui permettra de faire vivre ensemble le mondialiste et le patriote autrement qu'en se délectant de caricatures et se gargarisant de mots qui annoncent tant de maux.
Pour terminer, un texte référence est disponible sur le site de PRESAJE www.institut-presaje.com
Il a dressé, en plein milieu de la crise financière récente, avant la présidentielle de 2012, les perspectives de sortie de crise pour les professions du droit et de la justice. 4 ans plus tard il se vérifie que le chemin défriché était le bon. Il faut continuer à le parcourir.