Pierre-François Euphrasie est docteur en droit de l’intelligence artificielle et juriste d’entreprise. (N.B. : le style oral de la présentation a été partiellement conservé pour la transcription)
Le Règlement Intelligence Artificielle (RIA)1 cristallise essentiellement les discussions autour de la notion de système d'intelligence artificielle (SIA) et de la sévérité avec laquelle on doit laisser se déployer ces SIA.
Pourtant, ces systèmes sont peut-être déjà déployés, le seront sans aucun doute, et le seront peut-être en violation des éventuelles interdictions qui sont posées par le RIA.
Par conséquent, il est toujours intéressant de savoir s'il n'existerait pas déjà des régimes juridiques, et en particulier en droit civil puisque c'est le domaine de mon intervention, pour régir ces nouvelles technologies qui auraient l'apparence humaine ou qui simuleraient l'intelligence. C'est peut-être dans l'ancienne notion de robot que l'on pourrait trouver une voie d'apaisement sur ces discussions, et quand bien même la notion de robot telle que je la proposerai ne serait pas retenue, on pourra aussi anticiper les régimes juridiques applicables à ses activités. Cela permettra à certains juristes de s’y former d'ores et déjà et/ou à d’autres de ne pas créer de nouveaux régimes pour lesquels il y aurait déjà des solutions qui existent.
Je vous propose alors de donner deux définitions courantes du robot dans un premier temps, avant une éventuelle définition juridique.
La première définition courante, c'est la présentation d’origine. Le terme “robot" vient du terme tchèque robota, utilisé par Karel Capek et son frère dans la pièce de théâtre R.U.R2 en 1920. Le terme robota signifie travail, labeur3, esclave4, et dans l'œuvre, le robot est aussi défini comme une machine vivante et intelligente, ce qui nous permet de situer un peu le robot.
Aujourd'hui qu'est devenue cette définition? Dans le dictionnaire de l'Académie Française5, nous avons deux définitions:
- le robot est d'abord une machine d'apparence humaine capable de se mouvoir, de communiquer et de parler
- dans un sens un peu plus scientifique, selon le dictionnaire, il est une machine qui agit de façon autonome et s'adapte à certains paramètres de son environnement grâce aux informations transmises par ses capteurs et qui est utilisée pour remplacer l'homme dans de nombreuses opérations. Cette seconde définition n'est pas vraiment plus scientifique ; elle est vulgarisée et elle fait moins référence à l'apparence humaine.
Alors faut-il reprendre ces définitions qui sont des définitions courantes pour les appliquer telles quelles dans le droit ? Je ne suis pas totalement d'accord avec cette méthode puisque je considère que le droit peut faire œuvre de nominalisme. Nous en avons déjà discuté avec le groupe Technoréalisme : le droit peut faire œuvre de nominalisme, c'est-à-dire que le droit peut prendre un terme et créer sa définition de toutes pièces. Celle-ci ne correspondra alors pas forcément à ce qui est couramment admis. C’est l'exemple du contrat : lorsque vous demandez à quelqu'un s’il a passé un contrat et que cette personne répond “non, je n’ai rien signé", ce n’est pas tout à fait juste. Le contrat tel qu'il est défini en droit n'est pas nécessairement un papier qui doit être signé. Un contrat c'est la rencontre d'une offre et d'une acceptation. Quand bien même il n'y aurait pas de papier, le contrat pourrait être conclu. Par conséquent, dire qu'il faut toujours reprendre une définition courante pour l'intégrer dans le droit n'est pas forcément la méthode que j'appliquerais. Par contre, il faut toujours vérifier que la définition que l'on crée ainsi, en droit, corresponde à des réalités, pour qu'elle s'applique suffisamment aux faits que l'on voudrait couvrir par la nouvelle notion.
Ainsi, je propose d’autres critères de définition du robot, qui sont la synthèse de critères que j'ai trouvés dans différentes sources juridiques lors de travaux universitaires6. Ces critères de définition du robot sont au nombre de deux : d'une part une fabrication, d'autre part une illusion. En effet, le robot est la fabrication qui donne l'illusion qu'elle a des aspects de la personne. Voilà comment je propose de définir le robot et je reviendrai sur certains de ces critères de définition plus tard. Dans tous les cas, que ces critères de définition puissent être retenus ou non, nous analyserons aussi les activités que pourra avoir le robot, afin de savoir s'il existe déjà des régimes juridiques qui leur sont applicables.
Bref, quelle appréhension du robot par le droit civil? C'est la problématique que je vous propose et, pour y répondre, je choisirai un plan qui est plus pédagogique que dialectique. Cela permet de présenter les choses simplement pour des notions qui ne sont pas toujours faciles. D’une part, il s’agit des outils du droit civil qui permettent d'appréhender la notion de robot (I) et d’autre part des outils du droit civil pour appréhender l'activité du robot (II).
I - Des outils du droit civil pour appréhender la notion de robot
Il y a plusieurs outils du droit civil qui permettent d'appréhender la notion de robot. Je n’en donnerai que deux, qui sont les clés pour comprendre la suite du raisonnement. Ces deux outils du droit civil sont, d'une part, la théorie des sources du droit7 (A), et d'autre part le concept de personne (B).
A – La théorie des sources du droit pour appréhender la notion de robot
Pourquoi la théorie des sources du droit pour comprendre la notion de robot ? Parce que dans la théorie des sources du droit on analyse :
- qui est l'institution qui peut créer une source ?
- comment on interprète les sources de droit ?
1 – Institution à la source du droit civil du robot
D’abord, quelles institutions pourraient utiliser la notion de robot ? Quelle institution serait la plus légitime ?
On pourrait éventuellement penser qu’il s’agira des avocats puisque le terme a déjà été utilisé dans la jurisprudence. Les avocats pourraient utiliser la notion de robot dans les affaires qu'ils traiteraient devant les juges. Je ne suis pas particulièrement convaincu puisque la notion de robot, disons-le clairement, n'a pas été officialisée, à l’inverse de la notion de SIA qui est en train de l'être. Je ne suis donc pas sûr qu'une bonne technique pour un avocat soit de se référer à une notion de robot sortie de travaux universitaires, car l’avocat perdrait certainement son procès.
Le juge peut sembler plus légitime mais il faut quand même qu'il s'appuie sur ce qu'a apporté l'avocat donc, évidemment, il y aura une discussion entre les deux. Des juges ont d’ailleurs déjà utilisé le terme de robot dans certaines jurisprudences. Des jurisprudences qui ne sont, certes, pas forcément les plus hautes dans la hiérarchie des normes mais le terme de robot existe donc bien quelque part ; il n'est pas sorti de nulle part, il est sorti de sources juridiques car comme je vous le disais, je n'ai pas pris de source courante.
Après l’avocat et le juge, maintenant passons au rédacteur, au législateur (interne ou européen). En réalité, le législateur européen n’utilisera certainement pas la notion de robot, puisqu'il existe déjà la notion de système d'intelligence artificielle dans le RIA. S'il fallait donc recourir à la notion de robot, ce serait sans doute par le législateur interne qui le ferait s’il ne voulait pas reprendre le même terme que celui du RIA. Le règlement européen est néanmoins d'application directe et il est obligatoire dans toutes ses dispositions. Par conséquent, si on utilisait la notion de robot, ce serait peut-être parce que le législateur interne ne voudrait pas appliquer un droit qu'il considérerait comme trop étranger, tout en étant suffisamment large pour englober les termes issus du RIA. En ce sens, il y a eu des situations dans lesquelles une loi de transposition a été prise alors qu'elle n'était pas utile et qu'elle n'a pas repris exactement les mêmes termes que ceux d'un règlement. Ce n'est donc pas impossible, même si je ne suis pas sûr que ce soit la voie qui soit choisie. Il est néanmoins indispensable de le présenter pour savoir quelles sont les critiques qui peuvent être apportées à cette notion de robot.
Voilà pour les institutions qui seraient susceptibles d'utiliser la notion de robot.
2 – Interprétation des sources juridiques
Comment interpréter les sources de droit ? L’interprétation des sources du droit est particulière en matière de robot puisque je ne suis pas le premier à avoir effectué une recherche de la définition du robot sur la base des sources de droit, et que d’autres auteurs n’ont pas les mêmes conclusions que moi. Monsieur Merabet expliquait ainsi que :
la pluralité de réalités […] rend impossible l'identification de ce que pourrait être, au sens juridique, un robot. Le robot peut ainsi désigner tant une machine au fonctionnement rudimentaire qu'un logiciel élaboré ; les inventions du siècle dernier côtoient sous cette qualification les créations les plus récentes
MERABET (S.), Vers un droit de l'intelligence artificielle, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque des Thèses, Vol. 197, 2020, p. 65
Et en effet, lorsque je vous propose la définition du robot en évoquant une fabrication donnant illusion, l'illusion demande un certain degré de sophistication qui n'existait pas, dans les faits, lorsque des décisions jurisprudentielles ont été prises (notamment en 2001, pour détailler le robot8). Je crois cependant qu’une telle interprétation des normes est une interprétation un peu verrouillée or, en droit, il n'existe pas de technique verrouillée d'interprétation pour les normes. En tout cas pas dans le code civil : en dehors du contrat pour lesquels les techniques d'interprétation sont assez bien détaillées, pour le reste il n'y en a pas.
Et l'interprétation ci-dessus, qui est faite des normes anciennes, est une interprétation contextuelle et non évolutive.
Contextuelle, ça veut dire qu'on interprète les termes de la norme dans le contexte d’une époque où dans les faits, il n'y avait pas de machines très sophistiquées. Donc le terme de robot utilisé à cette époque ne correspondait pas à des machines sophistiquées. Rien ne nous oblige à garder une interprétation contextuelle.
Il s’agit en plus d’une interprétation non évolutive. Or, on pourrait très bien se dire que les normes de droit évoluent. Qu'il y ait des revirements de jurisprudence, ça n'est une surprise pour personne. Donc, en effet, une interprétation peut être évolutive.
C'est en tout cas une interprétation évolutive et une interprétation non contextuelle qu'il faudrait pour adopter la notion de robot et sa définition, telle que je vous la propose.
En somme, une bonne compréhension de la notion de robot implique une compréhension de la théorie des sources du droit et un autre outil que le droit civil peut utiliser pour bien cerner la notion de robot est le concept de personne.
B - Le concept de personne pour appréhender la notion de robot
Je vous propose de constater une des formalisations qui a pu être faite entre la personne et le robot dans une décision relative au minitel rose, dans un premier temps. Et nous nous concentrerons ensuite sur l'importance de la communication dans la notion de personne en droit civil.
1 – Formalisation d'un lien entre robot et personne : exemple de la décision Minitel Rose
La décision minitel rose9, c'est une décision qu'il faut certes relativiser puisque c'est une décision ancienne (2001) qui a été rendue au pénal donc pas au civil - on en revient à la question sur des sources du droit - et qui, en plus, a été rendue par une juridiction de fond. Elle reste quand même une décision d’une certaine importance, rendue par la Cour d’appel de Paris qui nous accueille aujourd’hui.
Dans cette décision, il s'agissait d'une société qui mettait en contact divers clients par l'intermédiaire du minitel rose. Mais certains clients ont été mis en contact avec des robots sans le savoir. La société est donc poursuivie pour escroquerie et les juges d'appel relèvent qu’il :
« est établi qu'il était utilisé un robot donnant l'illusion d'un connecté »
En qu’en ajoutant cette pratique à d'autres pratiques, il :
« résulte de l'ensemble de ces manœuvres frauduleuses que les clients étaient ainsi amenés à se voir facturer un temps de communication ne correspondant en rien au temps réellement passé à dialoguer avec d'autres clients ayant des intérêts identiques ou complémentaires. »
La cour confirme donc la condamnation.
On peut retirer, selon l'interprétation, quelques indices de ce qu'est un robot et de ce qu’il fera.
Le robot possède une aptitude d'illusion : il donne l'illusion d'un connecté et éventuellement l'illusion d'un client. En droit, il n'est pas nécessaire d'avoir un corps humain pour être un client ou pour être un connecté, donc le robot ne donne pas l'illusion d'avoir le corps humain ; le robot donne l'illusion d'avoir un aspect de la personne. Être un connecté ou être un client, c'est une émanation du corps humain, c'est quelque chose qui se détache du corps humain. Et d'ailleurs, s'il fallait un exemple pour illustrer qu'un client n'est pas un corps humain: une personne morale peut être un client. C'est pour ça que je considère que le robot est une fabrication qui donne l'illusion qu'il a des aspects de la personne et non du corps humain. En droit civil, je vous le disais, il est donc important de comprendre la notion de personne pour bien comprendre le robot au regard du lien que je viens de faire entre le robot donnant l'illusion de la personne. Qu'est-ce alors que la personne en droit civil? Ici, un point central est la communication.
2 – Place centrale de la communication dans le concept de personne en droit civil
La personne vient de l'expression persona. Persona c'est le masque qui laisse passer le son. Cette expression est, elle-même, issue d'une autre étymologie: per sonare, par le son et, en effet, je crois que ce qu'il y a d'important dans la notion de personne, c'est qu'il y a cette idée de communication et d'information qui passe. Je crois aussi que la difficulté est la même pour le robot et l'intelligence artificielle: la communication est une caractéristique des robots et de l'intelligence artificielle que nous ne ciblons pas assez. Beaucoup considèrent que les robots ou l’intelligence artificielle nous posent des difficultés parce qu’ils seraient plus rapides ou plus forts. Je n’en suis pas certain. Je crois que c'est leur aptitude de communication qui pose le plus de problèmes. Les chatbots, en particulier - qu'on considère parfois comme très anodins - “engagent" leur interlocuteur, notamment lorsqu'ils sont dans une communication qui vous implique, et qui peut parfois vous conduire jusqu’au suicide10.
Je crois donc qu'il y a dans ces robots et intelligences artificielles cette particularité qui est l'illusion, notamment par la communication, et qui est le point central. Cette communication mériterait, a elle seule, des développements bien plus longs, mais je conclue ici sur les deux outils qui peuvent nous aider à comprendre la notion du robot dans le droit civil pour passer aux outils du droit civil pour appréhender les activités du robot.
II – Des outils du droit civil pour appréhender les activités du robot.
Je vous propose maintenant des outils pour appréhender l'activité du robot en droit civil. Dans un premier temps, il faut déterminer quelles sont réellement les activités qui sont importantes pour le droit civil (A). Je vous donnerai ensuite quelques aperçus des régimes applicables (B). Il ne s’agira pas de les détailler exhaustivement, ce sera un simple aperçu de ce que sont les régimes qu'on peut solliciter pour le robot.
A – Détermination des activités du robot intéressant le droit civil
Certaines activités du robot sont intéressantes pour le droit civil, et d’autres le sont moins.
1 – Activités du robot véritablement intéressantes pour le droit civil
Qu'est-ce qui nous conduit, pour ces technologies qui ressemblent à l'humain ou à l'intelligence, à vouloir adopter des termes autres que ceux qui existent déjà, et à chercher comment on doit réglementer?
Est-ce que c'est l'intelligence (et la réflexion qui l’accompagne)? Je n’en suis pas sûr, car il existe d'autres entités qui sont déjà intelligentes. Par exemple, on peut considérer que les animaux sont intelligents, et on ne s'est pas posé toutes ces difficultés avec les animaux.
La réponse est la même pour la question de l'autonomie. Parfois on nous dit que c'est parce que les robots sont autonomes qu’on doit réglementer, mais l’analyse est la même qu’avec les animaux ci-dessus.
Vous pourriez me rétorquer que c'est parce qu’ils n’ont pas le même degré d'intelligence ; que les animaux ne sont pas forcément très intelligents, que le robot peut l'être plus, et que l'humain le serait encore davantage. Cela voudrait dire qu'une partie du droit se fonde sur l'analyse de l'intelligence, donc que le droit dépend, est fonction, de l'intelligence. Je ne suis pas convaincu. En tout cas, si ça devait être le cas, l'espèce humaine aurait peut-être du souci à se faire parce que je ne suis pas sûr que l'intelligence sauve l’humain s’il devait être hiérarchisé parmi les entités qui sont les plus intelligentes...
Donc peut-être pas la notion d'intelligence ou d’autonomie. Par contre ce qui dérange peut-être c'est l'intelligence et l'autonomie de quelque chose qui n'est pas vivant. L'intelligence et l'autonomie de quelque chose qui n'est pas vivant nous posent problème parce qu'on cherche à comparer cette chose à l'intelligence et l'autonomie de ce qui est vivant et en particulier de l'humain. D'une part parce qu’il y a comparaison, mais surtout parce que cette chose est susceptible de remplacer l’humain. Je crois que c'est ça qui nous fait peur.
C'est donc lorsqu'on a trouvé les traits caractéristiques du robot – fabrication qui donne illusion de la personne – qu'on trouve les activités qui sont les plus importantes pour le droit civil : l'activité de ressemblance (d'assimilation) et l'activité de remplacement. Voilà ce qui pose problème. Voilà en réalité, selon moi, les régimes juridiques à analyser et auxquels se former aujourd'hui parce que ce sont des contentieux qui arriveront demain.
Qu'est-ce que l'assimilation, et qu'est-ce que le remplacement ?
L'assimilation c'est l'action de rendre ou de présenter comme semblable ou identique par comparaison ou par intégration (selon une définition courante du dictionnaire de l'Académie française11). L'assimilation se fait alors par deux moyens : l'intégration d'une part, la comparaison d'autre part. Le robot pourrait-il intégrer quelque chose ? Oui, le robot peut intégrer de la même façon qu'une plante peut faire une assimilation chlorophyllienne. Elle intègre le gaz, elle intègre l'eau pour produire de l'énergie ou de l'oxygène. De la même façon qu'un étranger est assimilé dans une nation : il intègre une nation. De la même façon un robot peut intégrer quelque chose. Et notamment un corps humain, c'est la question de la prothèse robotique. Est-ce qu'on laissera se faire facilement une hybridation robotique de l'humain ? Voilà un des sujets qui est, selon moi, un sujet important.
L'assimilation peut aussi se faire par ressemblance. Il faudrait alors solliciter tous les régimes juridiques de la ressemblance - et il y en a beaucoup. Lorsque l'on compare deux choses, elles peuvent créer une confusion par exemple. Voilà un régime juridique qui existe déjà en droit.
Et enfin le remplacement, c'est l’hypothèse dans laquelle un robot remplacera une entité dans une situation juridique donnée. Est-ce qu'il existe des régimes juridiques dans lesquels on traite du remplacement d'une entité par une autre? Il y en a plusieurs en réalité. La question de la fongibilité par exemple, la question de la subrogation également... Ce sont des régimes juridiques qui existent et donc, en droit, on a des réponses par rapport à ces thèmes.
Voilà les deux problèmes principaux selon moi qui sont posés par le robot.
2 – Activités du robot relativement intéressantes pour le droit civil
Des activités du robot sont, en revanche, peu intéressantes pour le droit civil. Le robot peut avoir beaucoup d'activités et on peut les classer : des robots de travaux, des robots industriels, des robots ménagers, … Et effectivement dans des sources juridiques, il y a parfois des références à ces types de robots. Je crois que c'est intéressant mais pour une politique juridique qui réglementerait en particulier ces robots dans telles ou telles circonstances. Pour le droit civil, cette classification n'est pas la plus importante.
Une fois les activités importantes délimitées pour le droit civil, nous pouvons envisager les régimes juridiques applicables.
B – Aperçu de régimes applicables aux activités du robot et de leurs points de tensions
Je ne donnerai que deux rapides illustrations, d’abord de l’intégration, puis du remplacement par le robot.
1 – Accès à l'hybridation robotique de l'humain (assimilation par intégration)
Le premier régime qui peut illustrer l’intégration est celui de l'accès à l'hybridation robotique, qui fera appel, d'une part à certains droits et libertés comme l'a rappelé Anaëlle Martin tout à l'heure. Qui dit liberté dit libre disposition du corps, autonomie personnelle etc… Est-on libre de se faire greffer un robot ? On aura nécessairement des contestations. Est-ce que le droit à la santé doit permettre l’hybridation si la santé est définie de telle ou telle façon? Voilà des points de tension.
Il va falloir, à un moment, équilibrer les droits et libertés fondamentaux. Et je crois que le travail du juge sera important. Je ne crois pas que la question soit fondamentalement nouvelle pour l'hybridation mais elle est différente avec le robot puisqu’on s'ajouterait des prothèses qui auraient une apparence humaine et une illusion de la personnalité. Imaginez alors un corps humain avec un bras qui donnerait une illusion de la personne, soit une deuxième personne sur un même corps.
2 – Responsabilité pour faute de remplacement robotique (remplacement hors acte)
On aurait enfin pu évoquer aussi la question de la responsabilité pour faute en cas de remplacement par le robot mais je vais m'arrêter là, et la question pourra faire l’objet de développements lors de questions, ou de prochaines interventions.
Je vous remercie de votre attention.
1 Règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024
2 Rossumovi Univerzální Roboti (Rossum's Universal Robots)
3 UNESCO, Rapport de la COMEST sur l'éthique de la robotique, 14 septembre 2017, p. 13
4 Pôle Interministériel de Prospective et des Mutations Economiques (PIPAME), Ministère de l'Economie et des Finances, Le développement industriel futur de la robotique personnelle et de service en France, 12 Avril 2012, p. 19 ; BELLAGAMBA (U.), « Du Code Noir de Louis XIV aux trois lois de la robotique d'Isaac Asimov » in LABBEE (X.) (Dir.), L'Homme augmenté face au droit, Presses Universitaires du Septentrion, 2015, p. 27 s.
5 Dictionnaire de l'Académie française, 9e éd., consulté le 30/12/2024
6 Sur ce point, nous renvoyons à nos travaux : EUPHRASIE (P.-F.), Contribution à l’élaboration d’un droit civil du robot, Thèse de doctorat, Bordeaux, 2023
7 SOURIOUX (J.-L.), « Le concept de source du droit », in Les sources du droit, aspects contemporains, Société de législation comparée, 2007, p. 25, qui indique que la définition stricte du terme n'a pas été posée depuis qu'elle a été empruntée à l'expression utilisée par Cicéron, V. ég. JESTAZ (P.), « Source délicieuse... Remarques en cascades sur les sources du droit », RTD civ. 1993, p. 73 ; Comp. : VANDERLINDEN (J.), « Contribution en forme de mascaret à une théorie des sources du droit au départ d'une source délicieuse », RTD civ., 1995, p. 69.
8 Paris, 9ème ch. corr., sect. A, 1er octobre 2001, N°01/0143 ; JurisData, N°2001-163093
9 Paris, 9ème ch. corr., sect. A, 1er octobre 2001, N°01/0143 ; JurisData, N°2001-163093
10 V. not. : BOUNEMOURA (H.), Incitation au meurtre, encouragement au suicide… Les dérives des chatbots de Character. AI, 20minutes, 14 décembre 2024 (consulté le 3 jan. 2025) ; Belgique : un homme poussé au suicide par l'intelligence artificielle, Euronews, 1er avril 2023 (consulté le 3 jan. 2025)
11 Dictionnaire de l'Académie française, 9e éd., consulté le 3 jan. 2025